30 juillet 2017 - suite (M)

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Mathieu – 29

La pluie est légère mais suffit pour progressivement mouiller tout mon manteau, qui commence à laisser passer l'excédent sur mon costume. A vrai dire, à cet instant, je m'en moque. Je vérifie de temps à autres que Nathan ne me suit pas, même à distance. Ce soir j'ai besoin d'être seul. Qu'on me laisse le temps de prendre conscience que je suis en train de changer considérablement le sens de ma vie.

En disant à Nathan que je l'aimais, j'ai peut-être fait une erreur. Je le pense, sincèrement. Mais je commence à croire que la précipitation de ma déclaration trahissait surtout un état d'âme, alors que cette dernière est particulièrement malmenée en ce moment. Je l'aime, mais il n'était pas bon de lui dire ainsi.

J'aurais dû avancer encore et encore dans notre relation de domination – protection pour finalement que tout se mette en place. Je me suis laissé emporter par des vagues que je n'avais que trop peu connues. D'ailleurs, dans un sens, Nathan n'a pas respecté ce que je lui avais confié il y a des années, de ne jamais tomber amoureux de moi et, surtout, de ne jamais attendre de moi que cela arrive.

Bien sûr, et j'en ai conscience, mon esprit est en train de se tourmenter inutilement, sans doute attaqué par les quelques bulles que j'ai ingérées mais aussi par les petites révolutions qui viennent frapper mon cerveau. Être en couple, voire en trouple si jamais Andy prend une place nouvelle dans notre vie, revenir dans des clubs SM classiques, alors que je n'y étais plus allé depuis des années, mais aussi voir que mes propres clubs n'ont plus besoin de moi.

Je me demande même si l'on a encore besoin de moi. Parce que j'ai l'impression que Nathan, Andy, Bastien sont devenus dépendants, sans pour autant qu'ils n'aient réellement besoin de moi. Ce ne sont plus les mêmes concepts, plus les mêmes relations. Dans le besoin, ils comptent sur moi. Dans la dépendance, ils s'accrochent. Ils se droguent à notre relation. C'est ce que j'ai évité avec Dorian, qui a pris son indépendance. Il a besoin de moi, mais il n'est pas dépendant de moi.

Je ne protège plus personne finalement. Je ne suis plus qu'un corps physique et vaguement social, mais plus un rempart. Je vais appeler Dorian pour avoir de ses nouvelles. Et par chance, il répond :

« Bonsoir Mathieu, dit-il d'une voix fatiguée.

— Dorian. Navré de te réveiller. J'avais envie de savoir comment tu allais.

— J'étais sur le point de dormir, ne vous inquiétez pas. Je suis en train de préparer un événement pour vous, à la demande de Bastien. Et vous ?

— Je suis à New-York avec Nathan. Théoriquement pour un week-end romantique.

— Théoriquement ? Que se passe-t-il ?

— Peu importe. Je crois juste que j'ai accéléré au mauvais moment. J'ai une question à te poser. Tu m'en veux encore de t'avoir légèrement décalé de ma vie ?

— Non Mathieu. Vous avez voulu me protéger, et vous m'avez offert la possibilité de continuer à œuvrer pour vous. Je ne peux pas vous en vouloir. J'espère même pouvoir vous remercier dignement pour cela.

— C'est tout à fait naturel Dorian. Je me réjouis que tu te sentes bien ainsi. Je suis là, tu le sais. Et je te rappelle que tu peux me contacter quand tu veux ».

Suprême Mathieu - S.M. (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant