30 juillet 2017 (M)

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Mathieu – 28

Il est plus de minuit lorsque nous quittons le club. Je ne dis rien, perdu dans mes pensées, m'interrogeant sur le peu de réaction sexuelle que j'ai pu avoir alors que l'homme qui me plaît était en train de revêtir les apparences de notre rencontre. Peut-être ce soir la fatigue a-t-elle joué un rôle.

« C'était ... beau ... la rose. Merci ».

Nathan brise le silence ainsi, avec une hésitation dans la voix. Je n'ai pas envie de répondre.

« Désolé de ne pas avoir réagi auparavant. Je ne connaissais pas la signification. Mais ne serait-ce que la rose c'était un joli geste, tente-t-il de nouveau.

— Il n'y a pas de problèmes, ne t'inquiète pas.

— C'est juste que c'est arrivé à ce moment-là, ça m'a perturbé et après je ne t'ai pas dit ce que j'aurais dû ».

Même s'il essaie actuellement de se justifier pour un comportement auquel je ne reproche rien, Nathan commence à m'agacer. J'ai l'impression qu'au fond se tisse une toile de reproches, comme si la rose avait été l'élément troublant sa soirée. Je suis resté sur ma faim à cause du public, pas à cause de lui. En revanche, il risque de gâcher la fin de la soirée.

« Tu ne réponds pas ? me demande-t-il doucement.

— Que veux-tu que je te dise ? M'excuser d'avoir eu envie d'être romantique ? C'est dans un club SM que nous nous sommes rencontrés, je pense que c'est aussi le lieu de te montrer que je tiens à toi.

— Bien sûr que non Mathieu. Evidemment. Je ne veux pas que tu m'en veuilles, c'est tout.

— Je ne suis pas en colère, ni agacé. J'ai simplement redécouvert que le SM majoritaire, sans protection, sans volonté de construire une relation, uniquement basé sur la domination physique, n'est plus ma tasse de thé. Quant à la rose, l'essentiel c'est que tu aies saisi le sens que je voulais lui donner.

— D'accord ».

Nos deux dernières phrases sont particulièrement froides. Le fond est brûlant, ardant même. Mais à la surface, aucune émotion ne transparaît. Après quelques minutes à marcher, Nathan revient vers moi :

« Tu m'as demandé d'être dominant, tout le monde ne sait pas être protecteur, ou être comme toi. Et heureusement, sinon tu ne serais pas si spécial. Tu m'as donné l'autorisation après tout, je pouvais faire comme je voulais, crache-t-il.

— Je ne te reproche rien Nathan ! Rien ! Ni pour la rose, ni pour la domination, ni pour la démonstration, ni pour le lieu. Rien ! Je suis même content que l'on soit revenu sur tes terres si j'ose dire. C'est moi, et moi seul, qui me confirme à moi-même que j'ai changé. Alors cesse de m'attaquer sur ce qui n'est pas, cesse de croire que je te reproche quoi que ce soit. D'ailleurs, j'ai besoin de prendre l'air. De réfléchir à ce qui se passe dans ma tête. Voici la clef de la chambre. J'ai gardé le badge ».

Sur ces mots, je tends le parapluie à Nathan et continue de marcher à vive allure le long d'East River, le laissant derrière moi.

Suprême Mathieu - S.M. (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant