Mathieu – 39
Plus de quinze jours se sont écoulés depuis notre premier rendez-vous. Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons très largement profité de la fin de l'année. Nous avons déjeuné ensemble très régulièrement, et si l'un ou l'autre n'était pas disponible le midi, nous reportions notre entrevue au soir.
Stéphane et moi avons beaucoup en commun, et ce bien au-delà de la finance, évidemment. Nous partageons des goûts assez similaires tout en ayant des particularités qui permettent à l'un puis à l'autre de plonger dans des univers inconnus. Nous restons des heures entières à regarder les quais, échangeant sur la profondeur de ce qui nous anime.
Il est particulièrement perturbant, à cause notamment de la noirceur qu'il me dévoile peu à peu et qui pulse dans son âme. Loin de m'inquiéter ou de m'éloigner, je le trouve encore plus attirant et, plus le temps passe, plus l'idée qu'un autre puisse poser ses yeux sur lui m'est insupportable.
Il n'a cessé de me raconter combien il aime passer le réveillon du Nouvel An seul, ou bien dans des lieux plutôt culturels. Seul dans la masse, en réalité. J'ai envie de me saisir de cette solitude, de la faire mienne, et qu'il se sente, non pas moins seul, mais seul avec moi. Juste que je sois là.
Je ne fais pas partie de ceux qui croient que l'amour naît avec le temps, et qu'une relation n'est réellement viable que si elle est stable donc étalée. Je crois plutôt que les choses sont très claires et ce très rapidement. En une ou deux semaines, déjà, il est possible de savoir si une relation est envisageable. En un ou deux mois, apparaît le cœur des sentiments de l'un et de l'autre, qui seront ou non définitifs. Et les six à douze premiers mois ne font qu'entériner l'attachement des deux êtres.
Aujourd'hui, je sais que je ne me trompe pas en pensant que Stéphane et moi sommes en osmose. Nous voir tous les jours, c'est déjà le signe avant-coureur d'un début de dépendance. Une dépendance terrible mais qui marquera à jamais notre relation, je n'en doute pas. Et c'est parce qu'il a accepté de briser sa traditionnelle solitude du réveillon que je sais que je compte pour lui.
Comme prévu, à 21 heures 30, je suis devant chez lui, je sonne et l'attends. Nous sommes tous les deux en costume, et ce quasiment en permanence. Alors ce soir, j'ai simplement une chemise plus colorée, une longue écharpe et un pantalon clair. Quand il m'ouvre, la lumière est tamisée, j'entends de la musique classique et je remarque immédiatement son pull blanc, qui le met en valeur.
Il ne dit rien, sourit simplement, et me fait entrer. Nous n'avons prévu qu'un dîner léger et peu alcoolisé, pour profiter du temps passé ensemble. Je ne pense pas que nous sortirons. Plutôt qu'une bouteille, je lui ai acheté l'intégrale d'un compositeur dont je ne connaissais pas même le nom avant qu'il ne m'en parle. Je lui offrirai au dessert. En attendant, il prend ma main et me fait m'asseoir.
Ni lui ni moi n'avons encore prononcé un mot. Et c'est ainsi à chaque fois. De mon côté, je profite simplement de sa présence. Du sien, j'ai cru comprendre que c'était le symbole d'une relation saine. Je suis bien d'accord. Le silence ne me fait pas peur.
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Suprême Mathieu - S.M. (B&B)
RomansaCarnet de Bord d'un Alpha. Après quelques années dans la finance de marché, Mathieu a amassé assez d'argent pour plusieurs vies. Il profite donc de ses loisirs, tout en conseillant de temps à autres les puissants. Qui oublient trop souvent que le se...