15 août 2017 - suite (M)

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Mathieu – 45

Mon chauffeur passe les grandes grilles du parc. Il y a beaucoup de fleurs, beaucoup d'arbres. Tellement. C'est magnifique. Je comprends pourquoi tu l'aimais tant. Une fois garé, le véhicule, dont la climatisation est coupée, commence à chauffer. Je n'ai d'autre choix que de le quitter.

J'ai mis un costume bleu clair, avec une chemise blanche et une cravate à motifs. Je sais que tu adorais ça. Alors je commence à m'aventurer dans ce lieu. J'ai du mal à m'y retrouver, ce n'est pas très clair. Je marche beaucoup. Jusqu'à ce que je voie un banc. Le hasard a voulu que ce soit le tien. Si j'ose dire. Et pendant que je m'assoie, je commence à penser, à parler, à discuter avec toi. Comme lorsque nous le faisions sur des bancs similaires.

« Je pourrais te mentir, après tout. Je ne sais pas où tu es, si tu sais ce que je fais. Peut-être que tu n'es pas encore parti, parce que je t'en ai empêché pendant des années. Ou bien es-tu simplement là, dans les battements de mon cœur. Je ne sais pas. Tu me diras, un jour ? S'il te plaît.

Je pourrais te mentir, donc. Te dire que ton absence est ignoble, que je veux mourir aussi. Mais tu sais que c'est faux, je ne veux pas mourir. C'est bien pour cela que je ne suis pas venu à ton enterrement. Parce que sinon j'aurais voulu partir avec toi. Et je pense que je l'aurais fait. Tu m'as suffisamment fait remarquer que j'étais têtu.

Je n'oublie pas, je n'oublie rien, je ne t'oublie pas. Je me suis juste beaucoup distrait. C'est facile tu sais de ne pas penser. Surtout dans le milieu dans lequel nous avons évolué ensemble. Très vite tout le monde a su et, dans un réflexe presque amical, ils m'ont porté de plus en plus haut. Le respect des membres du milieu a atteint des niveaux inégalables avec moi, crois-moi.

Je sais que tu m'engueules, là, à ce moment. Parce que je n'ai pas écouté ce que tu m'avais dit. Un jour, à Rome je crois. Tu m'avais dit que si on devait ne plus être en couple, toi tu ne voudrais plus jamais l'être. Quand je t'avais répondu que moi non plus, tu avais tout simplement arrêté de parler jusqu'à ce que je revienne sur mes propos. Tu voulais être assuré que je retrouverai quelqu'un. Selon toi, je ne peux pas être seul. Et tu as raison.

Si tu sais tout, si tu as tout vu, tu dois à la fois m'en vouloir et t'amuser.

Et puis il y a aujourd'hui.

Je ne t'ai pas remplacé mon amour. Mais quelqu'un a réussi à me rendre mon âme. A percer au-delà des apparences, tel que tu l'avais fait. Il sait tout de toi, et il est le seul à te connaître aussi bien, à part moi, évidemment. Il sait de plus en plus de moi, et malgré cela il reste. Il s'inquiète pour moi, il s'est même occupé de moi. Même si je ne sais pas ce que je lui rends, en retour...

Je sais que tu m'engueules, d'où tu es. Tu n'as jamais cessé de me dire combien je comptais pour toi, et pourquoi. Alors il n'y a aucune raison que ce soit différent avec Andy. Et tu as raison. Vous vous ressemblez, pas physiquement, mais sur la manière de déjouer les règles, de m'avoir séduit, de dépasser ce que je laisse paraître de moi, mais aussi dans votre fragilité.

Tu avais raison mon amour, je ne peux pas être seul. Jusqu'à présent, je n'avais pas accepté ton départ. Je t'avais emprisonné. Donc je ne l'étais pas. Mais aujourd'hui, je n'ai plus le droit de te retenir. Tu es là avec moi. J'espère que tu accepteras qu'Andy ait une place aussi ».

Un sanglot retentit non loin de moi. Andy est là, au sol, un bouquet de fleurs déposé au pied de l'arbre. Celui qui porte ton nom. Près duquel tu es censé reposer. Constatant que je l'avais surpris, le voici se ruant dans mes bras, ses mains serrant mon cou avec force. Il a tout entendu. « Je ne t'abandonnerai jamais », me chuchote-t-il. Tu m'avais dit la même chose Stéphane. Alors, s'il te plaît, laisse-moi m'abandonner à lui sans crainte. Ne me le reprends pas.

Nos larmes, inépuisables, se mêlent sur nos joues. Je n'imagine plus ma vie sans lui.

Suprême Mathieu - S.M. (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant