Suprême Mathieu - S.M. (B&B)

11 août 2017 - suite (M)

Mathieu – 44

Deux reflets. Deux paires d'yeux qui s'observent dans une vitre qui nous permet en même temps de voir la ville illuminée. Ces deux paires sont rougies. Sans doute par les mêmes pleurs, les mêmes larmes. Pour des raisons similaires, de surcroît. Par manque d'un être cher. Et quel être cher.

Trois mètres nous séparent. Dans ces trois mètres, il y a tant de vies. Il y a Andy, qui ne se croit plus capable de rien. Sans doute par manque de confiance en lui, tant il est abîmé par l'image publique qui lui colle à la peau. Tout acteur pornographique qu'il est, il a droit à un respect intime que tout le monde lui refuse.

Oui, ses parties intimes sont publiques. Mais son intime profond, son intimité même, n'ont pas à en souffrir. Il faut au contraire massivement, agressivement les protéger. Et il a fallu qu'il tombe sur moi. Du moins qu'il commence à éprouver des sentiments pour moi. Il a fallu qu'il pointe mes failles. Du moins qu'il me conduise à lui révéler.

Dans ces trois mètres, il y a Bastien, Dorian, Nathan. Dorian, victime malgré lui de la haine que j'aspire. Bastien, victime d'une relation d'interdépendance violente et profonde. Nathan, victime d'une unilatéralité qui nous a trompé. Et moi, victime de mon passé que j'avais enfoui avant même de l'avoir vécu.

En ayant ces pensées, je souris bêtement. Tous trois ont leur prénom se terminant par -an, tandis qu'Andy lui, débute avec cette syllabe. Sans que ce ne soit un signe ou une quelconque manifestation du destin, je trouve la coïncidence relativement amusante. Peut-être est-ce avec lui que tout doit recommencer.

Dans ces trois mètres, il y a Stéphane. Stéphane qui m'a aimé. Stéphane que j'ai aimé. Que j'aime toujours. Il a toujours été entre moi et tous les autres hommes. Tout simplement parce que je ne lui ai jamais laissé de place ailleurs. Il ne pouvait pas être avec moi, puisque je ne voulais pas de lui.

Non, je voulais qu'il soit en face, toujours présent. Comment aurait-il été alors possible que je puisse tisser une quelconque relation, même affective, sans parler d'amour ? Tu étais là mon amour. Tu barrais le passage à tous les autres. Et dans un sens la situation me convenait parfaitement. Parce que tu restais.

Aujourd'hui Stéphane, j'ai compris. J'ai compris que tu n'aurais pas voulu que je sois aussi triste que tu ne l'as été. Tu me l'as répété si souvent. Que ce qui t'évitait de sombrer, c'était de savoir que j'étais heureux, avec et grâce à toi. Mais tu n'es plus là mon amour. Et je crois que tu serais triste de me voir nier la réalité. Tu me reprocherais même d'être un mauvais financier, comme je l'ai toujours été aurais-tu peut-être dit pour me faire rire.

Je t'aime Stéphane, mais ce soir je ne veux plus que tu sois un fantôme en face de moi, je veux que tu sois dans mon cœur, à côté de moi, en moi. Et qu'ensemble nous l'acceptions.

« Je suis là, Andy. Et je veux être là, avec toi ».

Les yeux pleins de larmes, Andy prend ma main et nous conduit dans ma chambre. Il retire ses vêtements, les miens, puis vient s'endormir sur mon torse. Sans un mot...