Trente cinq

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Romy

Assise face à la fenêtre de ma chambre, une cigarette à la bouche, je laisse mon regard divaguer. Le ciel est dégagé mais on ne voit toujours pas les étoiles. La pollution parisienne est un réel fléau.

- Tu viens manger ?

- Je mangerai après. J'ai pas faim.

Elyo ne répond rien et part.
Cela fait maintenant une semaine, que Mathieu m'a forcée a le confronter. Les quelques mots qu'il m'a sorti tournent en boucle dans ma tête comme un film qu'on rejoue sans cesse. Je n'avais pas réussi à sortir un seul mot après sa révélation et j'ai pris peur. J'ai fait une crise de panique puis elle est revenue pour me dire qu'il se jouait encore de moi. J'avais voulu croire Mathieu mais elle avait raison. Quelqu'un qui se moque de vous une fois, le refera à chaque occasion qu'il lui ait donné. Puis elle avait continué en disant que de toute façon, personne ne voudrait être avec quelqu'un comme moi, que je fais peur aux gens et à mon entourage. Et je l'ai cru, parce qu'après tout elle avait raison et Polak l'avait dit lui-même.

J'éteins ma cigarette dans le cendrier et enfile rapidement une veste et des chaussures avant d'attraper mon sac pour sortir. Je préviens juste avant Elyo que je vais chez le psy puis flâne dans les rues. Il faisait encore froid et j'avais bien l'impression que l'hiver était interminable.

- Bonjour Romy. Comment vas-tu aujourd'hui ?

- Je sais pas.

- Penses-tu avoir bien commencé ta journée ?

- Non, pas tellement. J'ai eu mieux.

- Qu'est-ce qui te tracasses ?

- Vous pensez que je finirai seule ?

Le docteur Morel était vraiment une personne que j'appréciais de plus en plus. Je voyais qu'il faisait vraiment tout pour m'aider à vivre au mieux avec ma maladie. Alors j'avais commencer à me livrer de plus en plus à lui, lui posant les questions qui me passaient par la tête, lui expliquant mes ressentis, les émotions que j'éprouvais à tel ou tel moment. La discussion était bien plus simple et fluide qu'à nos débuts et j'ai bien remarqué la différence. Avant, je ne restais jamais très longtemps aux rendez-vous, aujourd'hui, il m'est déjà arrivé de rester plus d'une heure à lui parler. Et même si elle était revenue, je voyais que je commençais à aller mieux et elle n'allait pas empiéter sur mes efforts.

- Que veux-tu dire ?

- Vous savez, si j'aurai un mari et des enfants et tout ce qui va avec.

- Bien sur. Pourquoi tu n'aurais pas un homme à tes côtés et vos enfants ?

- Je sais pas. Les gens comme moi finissent seuls.

- Les gens comme toi ? Romy, je t'ai déjà dit qu'il n'y avait pas de problèmes chez toi. Certes tu es différente des autres mais il n'existe pas de norme à laquelle tu dois te conformer. Tu es comme tu es et tu n'as pas à changer pour qui que ce soit. Ce n'est pas parce que tu as une maladie que tu ne peux pas faire et vivre comme les autres.

Je l'observe lentement. J'analyse le sens de sa phrase et j'ai envie de croire qu'il a raison. Mais il y a quelque chose qui me bloque.

- Vous pensez vraiment que quelqu'un peut s'intéresser à moi ?

- Bien évidement Romy. Tu penses à quelqu'un en particulier ?

- A Mathieu, vous savez, l'ami d'Elyo.

- Oui. Mathieu t'a dit qu'il est intéressé par toi ?

- Plus ou moins. Mais il m'a déjà menti une fois, il pourrait très bien mentir à nouveau.

- Je vais te dire quelque chose qui doit rester entre nous. Je ne devrais clairement pas dire une telle chose mais d'après mon expérience professionnelle et personnelle, les gens sont souvent voir toujours sincères à propos de leurs sentiments lorsqu'ils s'adressent à des personnes malades. Dans ton cas, je pense que Mathieu est sincère avec toi et qu'il te dit la vérité. Il sait que tu es schizophrène, donc potentiellement instable, il ne chercherait pas à te mentir sur une telle chose.

Je prends quelques minutes pour réfléchir à tout ce que le docteur Morel vient de me dire. C'est vraiment l'une des premières fois où il me dit vraiment ce qu'il pense sans prendre en compte le cadre professionnel obligatoire qui doit être mis en place entre un psychologue et son patient. Il a réellement été sans filtre et honnête et pour lui, Polak m'aurait dit la vérité.

Au fond d'ma tête - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant