Quand Joelle se retrouve à la rue un soir d'été, elle ne s'attend pas à devoir partager un loft avec des inconnus, et à ce que ce soit le début de l'un des étés les plus mouvementés de sa vie.
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Joelle n'a qu'une seule...
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J'AVAIS DIX-NEUF ANS, PRESQUE VINGT.
J'allais entamer ma deuxième année universitaire après l'été où Will voulait absolument faire un road trip en dehors de Los Angeles. Sally et moi ne nous parlions plus car elle avait appris ce qui s'était passé entre son frère et moi quand on était terminale. Qu'on s'était embrassé.
Will avait donc décidé qu'il referait un voyage avant la fin de l'été avec Sally. «Pour ne pas faire de jalouse », m'avait-il dit en nous traitant de gamines.
Hélas, il n'a jamais pu tenir sa promesse puisque le soir où nous revenions à Los Angeles, un jeune complètement bourré qui rentrait de soirée nous a percuté et c'était la fin. Pour mon meilleur ami, pour un fragment de mon cœur et une partie de moi.
Son visage était ensanglanté, et ce même sang enlaidissaient également son sweatshirt pourpre préféré. C'est la dernière vision que j'ai eue de lui avant que mes yeux ne se ferment pour des jours à cause du choc crânien que j'ai reçu.
À mon réveil, chaque visage m'était inconnu, même le mien lorsque je l'ai regardé dans la glace. Je n'ai rien dit à ce propos pendant une semaine, pensant que j'hallucinais et que ça passerait. Et puis, j'ai fini par parler, et les docteurs ont décelé une anomalie dans mon cerveau. En particulier, un trouble incurable qui affecte ma reconnaissance faciale.
J'ai compris dès ce jour que ma vie sociale ne se porterait plus que très bien seulement si je retenais les détails particuliers que je repèrerais chez chaque individu que je rencontrerais.
Je clos mon carnet de notes que j'ai mis à jour avec les particularités de Randall et de Marco. Et où j'ai surtout gribouillé des atrocités sur la prosopagnosie. Je la hais plus que tout au monde. Plus que tout.
Je ramasse mon ordinateur sur le sol. Entre temps, j'ai bouclé d'autres visites d'appartements. Celles-là m'ont l'air d'avoir beaucoup de potentiel.
Ça cogne à la porte quand je quitte les rebords de la baignoire. À peine l'ai-je ouvert que Tallulah s'incruste et nous enferme àdouble tour. On dirait qu'elle se sent enfin prête à parler, elle a passé la journée à m'ignorer dès qu'elle me voyait approcher.
La brune sur laquelle je viens pour la première fois de remarquer de fines taches de rousseur reste le dos plaqué contre le battant. Les yeux fermés, elle met assez de temps pour se composer, alors je me dis que je devrai peut-être l'aider.
— Par rapport à hier, tu peux être rassu...
— J'aimerai que ça reste entre nous, bredouille-t-elle vite la voix chancelante. Toi, moi et Alex. Rien que nous.
Elle implante un regard nerveux et intense sur moi, tentant d'imprimer sa résolution en moi.
— Ne t'en fais pas, je n'avais pas l'intention de dire quoi que ce soit.
