Chapitre 15

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🎵 Best Days - Alessia Cara
Janvier, San Francisco



Marco et moi arrivons au Filbert Street Steps un peu avant Gina. Cela dit, nous ne l'attendons pas pour aller à la recherche d'Alex. Nous grimpons les marches en bois sinueuses et vieilles depuis au moins dix minutes. Il y a au total 400 marches, et je ne suis même pas sûre que nous soyons à la moitié ! Comment a-t-elle fait avec ses béquilles ? Elle devait être vraiment déterminée.

Ou déprimée.

Argh ! Et me voilà qui regrette. J'aurai dû être plus présente. J'aurai dû lui dire tous les soirs que sa vie ne commençait pas avec le basket, et ne s'arrêtait pas après. J'ai toujours voulu une grande carrière en lien avec ma passion, mais aujourd'hui, je réalise que c'est peut-être ce qui nous tue à petit feu. Cette envie irrépressible de mener sa vie selon l'accomplissement de notre rêve.

Et lorsqu'on échoue, c'est tout notre monde qui s'écroule. Alors qu'il y a bien plus à la vie que d'être millionnaire ou la meilleure basketteuse de l'histoire. Il y a les soirées entre collègues, les discussions entourées des étoiles et les amis.

— C'est elle...

Marco a parlé dans un murmure. Je lève les yeux vers la direction qu'il indique d'un sensible coup de menton. Alex est assise dans un coin sur le béton probablement très sal, à l'abri des regards, sous l'ombre des nombreux feuillages. Ses béquilles jonchent négligemment sur le sol. Je suppose qu'elle a dû les jeter une fois sur place. Elle nous aperçoit et détourne immédiatement le regard.

Alex, dis-je d'un ton réprimandant. Tu nous as fait peur à disparaitre comme ça ! Tout le monde se fait du souci pour toi.

Même si elle ne réagit pas, son langage corporel se tend. En m'approchant davantage, je remarque une flasque, elle est ouverte. Je soupire doucement et m'assois en tailleur auprès d'elle. Marco est resté à l'écart, il ne regarde même pas dans notre direction.

— Il faut aller de l'avant, ça ne sert à rien de ruminer... commencé-je. Ta blessure va guérir et tu seras capable de reprendre les entrainements dès la fin de l'année. Les matchs ne fuiront pas.

— Tu comprends pas ou quoi ?! Je ne suis pas près de rejouer, Joelle ! Mon genou me fait toujours autant mal qu'avant, putain ! hurle-t-elle à plein poumon. C'est tellement injuste ! Les séances de rééducation ne servent à rien, mes efforts ne servent à rien - JE ne sers à rien si j'ai pas le basket !

— Mais regarde ce que tu fais ! crié-je, me laissant emporter par la colère. Regarde-toi, merde Alex !

Je me lève d'un bond, réalisant que je ne peux pas hurler tout ce qui me pèse sur le cœur en restant dans une stature aussi docile.

— Tu crois que tes efforts ne servent à rien, et bien, tu as raison ! la confronté-je. Tu es tout le temps en train de boire, affalée sur le canapé comme un... comme un vieux pantin désarticulé ! À côté, tu ne profites jamais de ton temps libre pour faire les exercices de maison que la kiné te donne. Si tu veux tout savoir, tu es en train de briser toutes tes chances de retrouver ton niveau un jour, et tu le fais très bien toute seule !

Je fais les exercices, marmonne-t-elle durement du bout des lèvres, d'une basse voix nonchalante.

— Quand ? Je ne t'ai jamais vu les faire.

— Parce que je me cachais pour les faire.

Elle contracte les mâchoires.

— Je n'avais pas envie de voir la fierté dans tes yeux et t'entendre me répéter encore et encore que j'allais rejouer, lâche-t-elle, sa contrariété refaisant irruption. Qu'est-ce qu'en t'en sais au fond ?

Le Pacte Des Héros | TOME 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant