Chapitre 20

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🎵 Farewell, Farewell - Fairport Convention
Février, San Francisco


Alex et moi regardons la télévision dans le silence. J'ai mon ordinateur sur les genoux, mêlant les voix des acteurs à mes cliquetis de clavier. L'inspiration ne m'a pas quitté depuis que j'ai été dans ce café avec Ben. Le syndrome de la page blanche me rendra forcément visite, alors dès que j'ai un peu de temps, j'écris.

— Ça fait six mois, déclare-t-elle soudainement.

Je baisse légèrement l'écran de mon ordinateur pour regarder Alex. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qu'elle dit.

— Je vais rentrer en fin de semaine à Austin : je dois reprendre les entrainements.

Mon cœur se serre et le chagrin m'envahit tout de suite. Elle se racle la gorge en détournant le regard. Je ne le remarque qu'à cet instant, mais ses yeux sont légèrement embués. Elle dégage une grande tristesse. Je ferme mon ordinateur et le pose sur le canapé.

— Je vais te laisser de l'espace pour te ressourcer tranquillement. J'ai assez volé ton énergie.

Elle tente d'alléger l'atmosphère en souriant sur la dernière phrase, mais à la place, c'est une larme qui coule sur sa joue. Elle lâche un petit rire, gênée, en essuyant sa pommette.

— Je suis tellement désolée, Jo. Je sais que je n'ai pas été une amie géniale et ça me fout les boules d'avoir gâché une partie de ta première année ici. Tu ne méritais pas une emmerdeuse comme moi.

— Tu es arrivée ici avec des blessures physiques et émotionnelles, ne t'en veux pas pour les choses que tu n'as pas pu faire sainement.

— Pf, lâche-t-elle, ne me trouve pas d'excuse.

Je ne suis pas d'accord avec ce qu'elle dit alors je secoue la tête. Mes paroles sont très sincères. 

— Je vais te dire quelque chose, mais tu dois me jurer de ne pas trouver ça minable et bizarre.

— Hm, promis, dit-elle en adossant sa tête sur le dossier du canapé.

— C'était à l'époque où je ne vous avais pas encore rencontré et que je n'avais plus aucun ami. Un jour, j'ai entendu Landon parlé au téléphone avec un ami qui l'engueulait. Il avait mis cet ami dans une situation inconfortable plus tôt dans la journée et Landon s'est excusé en disant qu'il comprenait que ce qu'il avait fait était mal.

Alex fronce les sourcils et je sais qu'elle ne comprend pas trop où je veux en venir. Je croise mes jambes en tailleur, et me tourne franchement vers elle.

— Je me suis dit à ce moment : quelle chose géniale que de pouvoir arriver à ce stade précis de l'amitié, dis-je rêveuse en regardant Alex. Tu ne trouves pas ? Je trouve ça chouette parce que c'est ça la vraie amitié. Celle où au lieu de couper les ponts, on s'engueule pendant des heures comme des frères et sœurs avant de s'excuser parce qu'on sait qu'on a merdé. 

Elle songe un moment à ce que je viens de lui partager, et puis un voile qui montre qu'elle adhère marque son visage.

— N'empêche, tu as quand même dû subir la crise d'adolescence d'une nana de vingt-cinq ans.

— Ce n'est pas comme ça je l'ai perçu.

Elle me regarde sans montrer de trace d'approbation ou de désapprobation. Elle regarde ensuite le plafond en se raclant la gorge.

— C'est nul, mais d'un autre côté ça m'a soulagée de savoir que je pouvais battre des pieds et des mains et que tu allais quand même rester à mes côtés malgré tes frustrations, explique-t-elle. En dehors de ma famille, personne n'a jamais été aussi en colère contre moi à cause de mes conneries. Et encore... la colère de ma famille n'est pas vraiment comparable à la tienne. Eux ils sont en colère parce que je ne suis pas celle qu'ils attendent que je sois. Alors que toi...

Le Pacte Des Héros | TOME 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant