~Seventy-one

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Lorsque le lac noir se teintera de sang,
Alors les cloches sonneront l'allégresse,
Mais tout ne sera que tristesse
Car une reine ne peut vivre le coeur béant
Et celui qu'elle aime ne peut survivre si de son rang
Elle accepte son destin et se rend.
Lorsque sonnera l'horloge du printemps
Les souvenirs ne demeureront manquants
Et les cris fuseront
Et acclameront
Celle qui brandira au ciel ce qu'elle choisit d'être
Car si l'une des deux voies est prise
L'autre ne pourra être reprise.

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-"Où vas-tu ?"

Anthony se retourna, aperçut Ariana qui s'approchait en pyjama, les cheveux encore ébouriffés. C'était dans ces simples instants qu'il retrouvait en elle la fille qu'il aimait tant.

Il regarda la porte que tenait le domestique, attendant qu'il la franchisse.

-"Tu vas te promener, Tony ?" Elle se frotta les yeux comme une enfant. "Rapporte-moi des viennoiseries pour le petit-déjeuner, s'il te plaît."

-"Je ne vais pas à la boulangerie." Dit-il.

Elle releva les yeux, encore dans les vapes, les pieds nus sur le carrelage froid.

-"Où vas-tu, alors ?" Demanda-t-elle.

Draco était repartit la veille chez sa famille.
Anthony n'avait pas dormi de la nuit, Ariana le voyait bien à ses cernes bleuâtres.

-"Je vais voir Harry."

Cela sonna comme un couperet. Le visage d'Ariana aussitôt se tordit, se tendit, elle redevint celle que le destin l'avait forcé à devenir.

-"Je t'interdis de partir." Ordonna-t-elle. "Surtout pour aller voir Harry Potter."

-"Ariana, je vais simplement tenter de les aider. Je vais essayer de revenir aussi tôt que possible."

-"Anthony." Appela Ariana. "Je t'ai dit non. Tu vas tout de même y aller ?"

Il ne dit rien, la regarda droit dans les yeux.

-"Quelque chose a disparu en toi, Ariana. Quelque chose que je retrouverai pour toi. Et si pour cela je dois partir, alors je pars."

-"Rien n'a disparu, Anthony. C'est toi qui a changé." Elle fronça les sourcils.

-"C'est moi qui ai changé ?" Demanda le garçon près de la porte d'entrée. "Je me suis juré de te protéger coûte que coûte parce que je tiens à toi plus que tout, mais je n'ai pas réussi à te protéger de toi-même. Je pars parce que je sais que c'est ce qu'Ariana aurait également fait."

Elle eut un ricanement. Elle semblait ne pas comprendre qu'il était sérieux.

-"Bien. Si tu sors d'ici, Anthony, c'est pour toujours. Tu comprends ? Si tu sors, ne reviens plus jamais."

Il ne dit rien, déglutit. Il avait réfléchi à ça, toute la nuit. Il allait partir, rejoindre Harry et ses amis, gagner la guerre qui se préparait. C'était la seule façon d'apaiser les mots d'Ariana et de l'aider à se retrouver.

Il ne la reconnaissait plus. Dans ses mots, dans ses pas, dans ses regards.
Ce n'était plus la même pour qui il cachait ses bleus et endurait ses peines.

-"Ne fais pas l'idiot et reviens." Répéta Ariana.

Elle était certaine qu'il ne partirait pas. Il avait trop besoin d'elle pour cela. Il la chérissait plus que tout.

Au dehors, il se mit à pleuvoir. Anthony regarda le ciel se teinter de gris, le sol se mettre à engorger pour tenter de ne pas se noyer.

Elle leva les yeux vers les arbres au travers de la porte.

-"Il pleut." Souffla-t-elle soudain.

Ses poils se hérissèrent sur sa peau pâle. Elle se sentait mal, prête à tomber à la renverse.
Elle regarda Anthony, attendant qu'il l'aide, qu'il referme la porte pour l'empêcher d'entendre les gouttes tomber sur le parquet verni.

-"Je suis désolé, Ariana. Sincèrement."

Il recula d'un pas, sortit du palais.

-"Non !"

Ariana accourut près de l'entrée, se retint de l'attraper, contre l'encadrement, reculant d'un pas comme emprisonnée par les gouttes qui l'empêchaient de s'avancer, lui rappelant sans cesse le traumatisme qu'elle gardait.

-"Reviens." Murmura-t-elle. "Tu sais que j'ai besoin de toi. N'y vas pas."

-"J'y vais parce que mon cœur est avec eux, Ariana. Si tu ne comprends pas, c'est que tu es bel et bien devenu quelqu'un d'autre. Quelqu'un que je méprise profondément."

Il descendit les petites marches jusqu'aux jardins et se retourna une dernière fois.

-"J'espère que, lorsque la guerre sera finie, tu sauras où te situer. Je ne t'abandonnerai jamais, Ariana. Je t'aiderai à te retrouver."

-"Ne pars pas !" Hurla-t-elle de toutes ses forces mais il ne s'arrêta pas, continua son chemin jusqu'au dehors, sur la route.

Disparu au détour d'une voiture.

Ariana regarda les arbres qui l'empêchaient de le voir s'éloigner de plus en plus d'elle sans même savoir où il allait. La pluie battait son plein en même temps que son cœur qui ne voulait se réfréner.

-"Vous devriez rentrer Votre Majesté, la pluie matinale est fraîche en cette période de l'année."

Le majordome l'invita à rentrer mais elle n'en fit rien. Malgré que ses souvenirs se heurtaient et la faisaient trembler de tout son corps à cause du tambourinement de la pluie contre les marches devant elle, tout son être n'était tourné que vers le jeune homme qui n'était plus près d'elle.

Elle resta contre l'encadrement, pauvre poupée désarticulée, ne sachant ni que dire ni que pleurer.

Il était parti.
Ce n'était pas inhabituel pourtant, qu'il parte. Il aimait se promener dans Londres, retournait souvent chez ses parents, à Poudlard.

Mais pour autant tout avait changé. Elle savait qu'il ne reviendrait pas.

Elle était quelqu'un qu'il méprisait profondément.

Elle se sentait faiblir, s'accrocha désespérément à la porte, la lèvre inférieure tremblante.

Il devait revenir.

Tout était à cause de Harry Potter.

Il lui avait volé Albus, lui avait volé Anthony. Tout était à cause de lui.

Elle s'agrippa fermement au majordome qui ne broncha pas, se releva, le regarda avec une toute autre lueur dans les yeux.

-"Apporte-moi de l'encre et une feuille dans mon bureau." Dit-elle. "Et amenez-moi mon hibou."

-"Est-ce pour une personne en particulier, Votre Majesté ?" Demanda le majordome.

Elle rentra dans la demeure, la marche assurée.

-"Renvoyez tous les domestiques moldus de l'aile ouest, où se trouve ma salle de réception. Et placez les sorciers de façon méthodique. Nous allons recevoir un invité très particulier." Elle se tourna vers les domestiques. "Et fermez-moi cette maudite porte."

Elle ne savait pas si c'était une bonne idée. Ne savait pas si elle devait faire ça, si elle devait ne serait-ce qu'y penser.

Mais c'était plus fort qu'elle : la colère montait.

Personne ne devait se mettre en travers de son chemin. Personne ne devait se mettre en travers de son règne.
Personne n'avait le droit de contester sa suprématie parce qu'elle avait mérité sa place.

Et Harry Potter, lui, recevait tous les lauriers pour quelque chose qu'il ne méritait pas. Il n'avait pas souffert. Au contraire d'elle, il n'avait pas eu la responsabilité des péchés des autres.

Et elle était certaine que, contrairement à elle, lui dormait sur ses deux oreilles et ne rêvait pas des horreurs qu'il avait dû faire pour en arriver là.

|| 𝖒𝖊𝖒𝖔𝖗𝖎𝖊𝖘 || [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant