~Ten

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-"Ariana."

Elle ouvrit un oeil, l'air hagard, fixant les plafonds grinçants et les lumières chancelantes.

Où était-elle ? Elle se tourna, son frêle corps sous les draps, et un vieil homme à la longue barbe eut un sourire en prenant sa température d'une main tendre.

-"Qui êtes-vous ?" Demanda-t-elle en fronçant les sourcils, sa voix fluette craquant sous sa toux rauque.

L'homme claqua sa langue contre son palais.

-"Te souviens-tu de ton prénom, mon enfant ?" Demanda-t-il sans répondre à sa question.

Elle le fixa sans rien dire, perdue dans ses yeux acier.

Qui était-elle ?

C'était une question qu'elle ne s'était, semblait-il, jamais posé.

-"Non." Répondit-elle alors et la pauvre petit sentit son coeur se serrer.

L'homme leva les yeux vers la porte d'entrée où un homme les fixait, morose.

-"Elle a perdu la mémoire." Dit le premier en soupirant, visiblement mécontent. "Certainement à cause du choc de sa chute. Je t'avais dit que la surveiller."

Le second le toisa, sans rien dire.

-"Débrouille-toi avec elle, ne me mêle pas à tes histoires." Sa voix chancela et il quitta la pièce, les yeux acier du premier se reposant dans ceux de la même teinte de la petite.

-"Ne t'en fais pas, Ariana. Je suis là." Il eut un sourire. "Je suis Albus, et tu es Ariana. Nous sommes de la même famille, toi et moi."

Elle hocha la tête, gobant tout ce qu'il disait car c'était pour elle parole d'évangile, son sauveur caressant son front suant comme pour la sortir de ses torpeurs cauchemardesques.

-"Ariana." Répéta la petite, pensive. "Ariana."

-"Ariana Dumbledore." Compléta Albus et il sembla à ladite Ariana que quelque chose le mettait mal à l'aise en disant cela.

                            *****

Elle ouvrit les yeux, comme réveillée brutalement.

Ses yeux se posèrent sur le plafond grinçant et les lumières vacillantes de la pièce, reconnaissant là les murs familiers de sa chambre, à Pré-au-Lard.

Elle releva la tête, la pièce étant vide, et se recula pour s'adosser contre sa tête de lit, remontant le drap jusqu'à ses jambes, fixant les miroirs et les tableaux comme si ça faisait des années qu'elle n'était pas venu.

Des bruits de pas, le plancher grinça.

Elle se tourna vers la porte ouverte et Abelforth apparut, concentré sur son plateau rempli qu'il ne devait pas renversé.

Son regard croisa celui de la jeune fille et un soupçon de soulagement se fit entrevoir dans les lueurs de ses yeux pâles.

Il posa le plateau sur sa table de chevet et s'assit sur le bord du lit pour toucher son front et prendre sa température.

-"Tu te sens mieux ?" Demanda-t-il de sa forte voix.

Elle hocha vivement la tête.

-"Je ne sais pas ce qui m'a prit, mais au moins le voyage en train est passé plus vite que d'habitude." Elle eut un sourire mais ça ne semblait pas le faire rire.

Il attrapa une tasse et y versa un médicament poudreux avant de la forcer à en boire, ce qu'elle fit en grimaçant, tentant de ne pas penser au goût immonde qui collait à son palais.

-"Mange ça, Ina."

Elle leva les yeux vers ce qu'il lui tendait et attrapa la viennoiserie, entendant presque son ventre le réclamer.

Abelforth ne l'avait jamais appelé Ariana. C'était le nom de feu sa soeur et celle d'Albus, et tandis que ce dernier avait tenté de lui rendre hommage en donnant son prénom à la petite fille, Abelforth ne s'en était jamais vraiment remit.

Sorgina. C'était de là que venait son surnom, puisque ça voulait dire sorcière.

Évidemment, il ne l'appelait jamais comme ça - ça ne lui allait pas, et puis c'était un prénom bizarre.

Non, Ina lui allait. C'était affectif. C'était son surnom, à elle, et à lui.

-"Franchement, c'est le ciel qui t'a prévenu que venir ici était une mauvaise idée." Il eut un soupir et attrapa la deuxième tasse avec un thé fumant dedans.

Elle eut un sourire, mangeant avec appétit.

-"Ou que tu me manquais tellement que l'idée de te revoir m'a fait chavirer."

Il leva les yeux, la toisant de haut en bas l'air mauvais. Puis leva son bras et essuya ses lèvres pleines de miettes avec son pouce, concentré sur sa tâche.

C'était ainsi. Albus était celui qu'elle voyait le plus et qui était le plus démonstratif. Il s'inquiétait souvent de ce qu'elle faisait, avec qui, de ses notes, celui qui prenait ses études le plus à cœur.

Abelforth était différent. Durant sa plus tendre enfance, avant qu'elle n'ait un grave accident par sa faute, il ne la regardait jamais, parce qu'il disait qu'elle ressemblait trop à sa soeur.

Mais lorsqu'elle a chuté de sa chambre, au troisième étage - lorsqu'elle s'est écrasé violemment sur les pierres en contrebas parce qu'Abelforth ne la surveillait pas, ce fut comme un déclic pour lui.

Il avait beau ne pas le montrer, il était attaché à elle. C'était celui qui lui offrait le plus de choses, connaissait le mieux ses goûts, ses envies, et faisait semblant d'être indifférent alors qu'en réalité il attendait chacune de ses lettres debout devant la porte comme si c'était sa seule raison de vivre.

Ariana esquissa un sourire, attrapant sa tasse de thé.

-"Je t'ai acheté des cadeaux avant de venir. Devine combien il y en a." Elle but une gorgée bruyamment.

-"Trente-sept." Dit-il innocemment et elle faillit s'étouffer.

-"Tu rigoles ? Je n'ai pas assez d'argent, je suis fauchée."

-"Tu veux dire que tu n'as pas assez de l'argent que je te donne chaque mois pour m'acheter des cadeaux ?" Il leva un sourcil et claqua sa langue contre son palais. "Tu me sers à quoi, si je n'ai même pas droit à ça ?"

Elle lui donna un coup sous sa couverture et il roula des yeux, reprenant les tasses vides pour les poser sur le plateau.

-"Bien, tu en veux trente-sept ? Tu en auras trente-sept. Noël est dans deux jours, j'ai le temps." Elle plissa le nez et chercha ses affaires du regard, mais Abelforth eut un sourire amusé.

-"Tu comptes sortir nue ?" Demanda-t-il et elle souffla.

-"Donne-moi mes vêtements, s'il te plaît."

Il hocha négativement la tête et prit ses jambes avant de les tirer vers le fond du lit pour l'allonger.

-"Dors, Ina. Je te réveillerai à Noël."

Il attrapa le plateau et fit demi-tour, refermant la porte derrière lui.

Et, désormais qu'il le mentionnait, il était vrai qu'elle était fatiguée.

Alors elle se retourna, dans son lit, serrant son oreiller entre ses bras, enfonçant sa joue dedans, et ferma les yeux. 

|| 𝖒𝖊𝖒𝖔𝖗𝖎𝖊𝖘 || [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant