~Eighty-five

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-"Lorsque le lac noir se teintera de sang,
Alors les cloches sonneront l'allégresse,
Mais tout ne sera que tristesse
Car une reine ne peut vivre le cœur béant
Et celui qu'elle aime ne peut survivre si de son rang
Elle accepte son destin et se rend.
Lorsque sonnera l'horloge du printemps
Les souvenirs ne demeureront manquants
Et les cris fuseront
Et acclameront
Celle qui brandira au ciel ce qu'elle choisit d'être
Car si l'une des deux voies est prise
L'autre ne pourra être reprise."

Oui, c'était sans doute ça.
Le brouillon usé et déchiré que Draco venait de retrouver sur la table de chevet d'Ariana.

C'était sans doute là qu'elle avait trouvé la vérité entre ses lignes maladroites.

Il se racla la gorge, sentant la douleur encore persister, des jours après.

Il s'assit sur le lit, regarda son écriture disgracieuse.

-"Lorsque le lac noir se teintera de sang : lorsque Albus a été brûlé sur le lac noir ? sang métaphorique.
Alors les cloches sonneront l'allégresse : lors de mon couronnement, les cloches ont sonné.
Mais tout ne sera que tristesse : car Albus est mort ? ou car je n'étais pas destinée à être reine.
Car une reine ne peut vivre le cœur béant : j'ai soudoyé mon peuple et les Malfoy pour être entourée et aimée
Et celui qu'elle aime ne peut survivre si de son rang
Elle accepte son destin et se rend : être aimé Draco, je l'ai protégé en devenant reine car j'ai eut du pouvoir
Lorsque sonnera l'horloge du printemps 
Les souvenirs ne demeureront manquants : j'ai retrouvé ma mémoire en mai donc au printemps
Et les cris fuseront
Et acclameront
Celle qui brandira au ciel ce qu'elle choisit d'être : les mangemorts m'ont acclamés lorsque j'ai reçu ma marque
Car si l'une des deux voies est prise
L'autre ne pourra être reprise : j'ai choisi de suivre Voldemort plutôt qu'Harry et désormais il est trop tard pour faire marche arrière."

Draco se racla la gorge, fixa longuement l'écriture brouillonne. Il s'apprêta à reposer le papier lorsque quelque chose dans son dos attira son attention. Il la retourna, aperçut la même écriture cette fois-ci écrit à la va-vite comme si elle était pressée par le temps ou par ses propres démons qui ne voulaient pas avouer ce qu'elle avait compris.

-"Être aimé Anthony : il n'a pas survécu car j'ai choisi de protéger Draco." lut-il lentement.

Et il comprit, alors, de la même manière qu'elle avait comprit en l'écrivant; sa prophétie lui montrait que son choix avait eu des conséquences.

Il l'avait vu du coin de l'œil depuis le début, la lettre sous l'oreiller qu'elle avait tassé. Il ne l'avait pas regardée, pas touchée, pas attrapée, parce qu'il n'avait pas envie de voir ce qu'elle contenait. Il regrettait. Aurait-il pu éviter tout cela, s'il ne l'avait jamais aimé ? Ou bien s'il était resté caché, lui, l'égoiste et l'égocentrique Serpentard qui avait décidé un beau jour de tout lui révéler. S'il ne l'avait pas montré, elle ne se serait pas sacrifiée. Sa prophétie aurait peut-être été bien différente. Il œilla l'enveloppe avec son prénom dessus d'un mauvais œil. Il ne voulait pas la lire. Elle allait dire des choses qu'il n'aimait pas entendre.

Puis d'un geste brusque, il attrapa l'enveloppe, la déchira, en sortit une lettre qu'il déplia.

Elle avait une écriture de pattes de mouche, mais il voyait bien les traces effacées faites à la règle pour tenter d'écrire droit.

-"Cher Draco." Il se pinça les lèvres, ne pouvant le lire à voix haute sans sentir sa gorge se serrer et se dessécher.

“Cher Draco.
Doit-on toujours commencer nos lettres comme ça ? C’est devenu une habitude désormais. Si tu lis ces mots, c’est sans doute que c’est déjà arrivé. J'espère que tu n’étais pas là, tu sais. Je ne veux pas t'infliger ça, parce que ce serait égoïste de ma part de te demander de me pleurer alors que tu as déjà tant fait pour moi. Je le savais. Que ça allait arriver. La prophétie le disait : une reine ne peut vivre le cœur béant. Et mon cœur, bien que tu étais à l'intérieur, était aussi vide que le bocal du professeur Slughorn. Ça a pris trop de temps, trop d'énergie pour moi, de me rendre compte que j’avais pris la mauvaise voie. Ai-je fait les bons choix ? Si j’avais décidé de suivre Harry, aurais-tu survécu, toi aussi ? Ou aurais-tu été l’être aimé que je ne pouvais pas sauver ?

Trelawney m'avait dit la chose suivante : ne t’approche pas du garçon aux cheveux blancs. Lorsque je t’ai vu ce soir-là, lorsque j’ai décidé d’ouvrir mon cœur à toi, à ta personne et à ton âme, les rayons de la lune éclairaient tes cheveux avec tant de splendeur que leur pureté n’avait d’égal que leur blancheur. Je ne devais pas m’approcher de toi. Le destin me l’a répété cent fois, lorsque la lune éclairait ton visage et que tes cheveux renouvelaient leur éclat. Mais je pense qu’elle se trompait, parce que je pense que sans toi je n’en serais pas là. Je n’aurais pas pu aimer pleinement comme j’ai pu t’aimer.

La vie aurait été différente. Certains seraient peut-être encore vivants, d’autres non. Je n’aurais peut-être pas accepté cette couronne sur ma tête. Mais je ne regrette pas. Je ne regrette pas, parce que chaque instant à tes côtés me faisait oublier les choix et les atrocités que j’avais pu commettre. Tu étais mon havre de paix tandis que j’étais ta geôlière.

Peut-être qu’Harry et les autres m’auraient acclamés, si j’avais choisi l’autre chemin. Mais je pense que ma fin aurait été la même, parce que c’est ainsi : j’étais née pour mourir. Depuis le début et jusqu’à la fin, je n’ai été là que pour en finir. Tu m’as permis de passer des moments inoubliables et tu m’a appris à aimer. Je ne sais pas comment a été ma fin, je ne sais pas si elle était digne ou misérable, mais ça m'importe peu. En parler ne me fait rien car j’ai accepté et embrassé ce que tu dois encore pleurer. Je n’ai pas peur de mourir, Draco. Je suis déjà morte il y a bien longtemps, dans cette voiture à Paris. Je suis morte dans la tour d’astronomie lorsque Albus a chuté. Je suis morte dans la forêt lorsque Anthony est tombé. Le médecin royal m’a diagnostiqué la dragoncelle, il y a quelques semaines. Au début, cela aurait pu se soigner d’un revers de baguette, mais je lui ai dit de ne rien faire. Tu vois, la Mort m’appelait.

Quand j'y repense, nos débuts me manquent. Cette première fois où ton regard s'est posé sur moi et cette première fois où tes lèvres ont approché les miennes. J'aimerais croire qu'il y a encore de l'espoir pour nous Draco, j'aimerais croire que l'on se retrouvera et que notre histoire ne connaît pas encore de point final, mais je sais que tout ça est faux, que l'espoir m'a quitté. Je sais que c'est fini, qu'on s'est perdu - non, que je t'ai perdu. Je sais que plus jamais je n'aurai la chance d'effleurer ta peau et encore moins de sentir tes bras m'enlacer. Je sais que plus jamais tu me regarderas dans les yeux en me disant à quel point je compte pour toi. Je sais que plus jamais je ne sentirais l'odeur de ta peau et que plus jamais tes mains ne passeront dans mes cheveux. Je ne suis qu'un chapitre de ton grand livre Draco, je ne suis peut-être même qu'un court paragraphe, mais pour moi tu en a été l'entièreté. Si au début tu n'étais rien qu'un mot entre les lignes, tu as fini par devenir l'essence même de mon histoire et ce jusqu'à mon épilogue.

Parce que mon livre ne tourne plus qu'autour de toi désormais.

Alors pense à moi lorsqu'il pleut, comme la nuit on pense au soleil, ou comme lorsqu'en plein soleil on en vient à manquer l'ombre.

Je n'étais pas faite pour être reine.
J'étais juste faite pour t'aimer.

Voici ma rédemption Draco, j'espère que tu comprends que tu n'as rien à regretter. Et n'en veux pas à ceux qui sont venus reprendre le diadème, car je sais qu'ils viendront d'un jour à l'autre : eux aussi ont dû faire un choix.

M'aimes-tu ? Me détestes-tu ?
Te protéger était ma façon de t'aimer.
Mourir était ma façon de m'aimer.

Ariana Windsor Dumbledore."

Il relut les lignes, longtemps, jusqu'à ce que peut-être le monde s'éteigne.
Il y avait, dans les mots qu'elle posait, la douceur qu'il pensait avoir perdu à jamais.

Une goutte vint tâcher le mot "rédemption". Il regarda l'encre se mouiller, le parchemin l'absorber, le mot se déformer comme si c'était la chose la plus dure qui lui eut jamais été donner de voir.

Il reposa la lettre sur le lit, enferma son visage entre ses mains.
Un véritable Malfoy ne pleurait pas.
Il regardait, il regrettait l'être qui venait de passer, il baissait la tête, mais jamais on ne le voyait sécher des larmes qui venaient de rouler.

Mais Draco n'avait pas envie d'être un Malfoy, ce soir-là.
Il avait juste envie d'être Draco.

Et Draco détestait Ariana.
Parce que la détester était sa façon de l'aimer.

|| 𝖒𝖊𝖒𝖔𝖗𝖎𝖊𝖘 || [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant