-"N'y pense pas outre mesure."
Ariana se tourna vers Anthony qui la fixait, allongés sur l'herbe du jardin près de la forêt durant une heure de libre.
-"Je n'y pense pas." Promit la jeune femme mais il leva un sourcil.
-"Et pourtant tu as su instantanément de quoi je parlais."
Elle ne répondit pas. C'était ainsi, la vie. Cela ne servait à rien de débattre avec quelqu'un qui la connaissait mieux qu'elle ne se connaissait elle-même.
Elle eut un soupir, fixa sa page de carnet vide, la tourna pour fixer le croquis du garçon sur la plage de galets, le seul qui n'aurait du figurer sur son carnet et qui pourtant y était, y trônant fièrement alors même qu'il n'était pas complet.
-"Ne bouge pas."
Elle retourna sur sa page vide, attrapa son fusain, fixa en biais Anthony qui lisait, son épaule collée à la sienne.
-"Tu veux encore me dessiner ?" Il était habitué, ne s'en plaignait que peu, occupé.
-"Juste ton livre." Ironisa la jeune femme et il ne releva pas, plongé dans la passionnante histoire d'amour qui finissait en une tragédie déconcertante.
Elle commença par les yeux, dériva sur le nez, le grain de beauté qu'elle avait fait tant de fois, la mèche rebelle près de son oreille droite, le plis de ses lèvres lorsqu'il se concentrait.
Puis quelque chose qu'elle n'avait jamais vu - quelque chose qui n'était pas sur les autres dessins.
Elle releva les yeux de son oeuvre, fixant la nouveauté sur son cou.
-"Qu'est-ce-que tu t'es fais ?"
Anthony ne répondit pas immédiatement, tournant la page, savourant.
-"Tony." Elle posa le bout de son fusain contre sa nuque. "Tu t'es cogné ?"
Il releva enfin les yeux, rassemblant les souvenirs réels de ceux qu'il se confectionnait avec l'objet qu'il occupait.
Il cacha son bleu avec sa main, honteux, cherchant une échappatoire en vain.
-"Je lisais et je me suis cogné à un mur, contre ma clavicule." Il souleva sa main pour montrer son bleu au bas du cou. "Ce n'est pas très glorieux."
Ariana ne dit rien. Elle aurait pu soulever son haut, si elle y avait pensé. Elle y aurait vu des traces rouges, datant de plusieurs jours. D'autres noirs, fraîches de la veille. D'autres mauves, un peu suspectes.
Mais elle n'en fit rien. Parce que c'était chacun ses affaires, et qu'elle ne pensait pas que son grand Anthony puisse se laisser faire.
-"C'est la honte, d'être ami avec toi." Elle soupira. "Si on te demande, dit que tu t'es battu, ce sera plus glorieux."
Elle reprit son fusain, continua son dessin.
Lui ne reprit pas sa lecture, enlevant sa main, fixant ses yeux occupés d'un tendre air. Oui, ça ne devrait pas poser trop de problèmes, de dire la vérité.
Tant que ça lui suffisait, à elle, tant que ça la satisfaisait, il pouvait bien hurler qu'il était mangemort, rien que pour l'entendre rire.
Rien que pour la voir sourire, grâce à lui.
-"Et bien ?" Elle leva un sourcil sans quitter son travail du regard. "Je suis si belle aujourd'hui que tu ne peux détacher tes yeux, Tony ?"
Il ne répondit pas immédiatement, n'étant pas sur la même longueur d'onde, encore l'esprit embrumé par un sentiment tendre.
-"Je vérifiais juste que ton maquillage cachait bien ton vrai visage." Il reposa les yeux sur les lignes de son histoire d'amour qui semblait fade, soudain.
Ariana eut un sourire, caché par son carnet, continuant son dessin.
Et la journée passa, heureuse.
*****
-"Lorsque le lac noir se teintera de sang,
Alors les cloches sonneront l'allégresse,
Mais tout ne sera que tristesse
Car une reine ne peut vivre le coeur béant
Et celui qu'elle aime ne peut survivre si de son rang
Elle accepte son destin et se rend.
Lorsque sonnera l'horloge du printemps
Les souvenirs ne demeureront manquants
Et les cris fuseront
Et acclameront
Celle qui brandira au ciel ce qu'elle choisit d'être
Car si l'une des deux voies est prise
L'autre ne pourra être reprise."Ariana releva son parchemin et relut une énième fois ce qu'elle venait de retranscrire, frais dans sa mémoire comme si on le lui répétait en boucle depuis plusieurs jours.
Rien n'avait de sens, pour elle. Rien ne faisait sens à ses oreilles.
Elle eut un soupir, se massa les tempes.
Un lac qui se teintait de sang ? Était-ce une métaphore ?
Peut-être était-ce en réalité pour la reine d'Angleterre, et elle eut un sourire en s'imaginant lui transmettre la prophétie, comme se débarrassant d'une mauvaise herbe en la jetant chez le voisin.Mais Albus le lui avait dit. Que c'était sa prophétie. Et bien qu'elle n'en comprenait pas le sens, c'était la sienne, et elle n'aimait pas partager ses affaires.
Elle avait une prophétie. C'était étrange, d'ailleurs, de savoir que son destin était lié d'avance.
Qui donc était en charge de son fil blanc ?
Mais elle, Ariana Dumbledore, qui n'avait rien d'autre de prestigieux que le nom qu'on lui avait autorisé à emprunter, avait une prophétie.
Une prophétie comme celle d'Harry Potter. Est-ce que Albus aussi, en avait une ?
Était-ce quelque chose de commun, d'en avoir une ?
Était-ce normal ?
-"Harry veut te voir."
Elle cacha soudainement son parchemin entre ses jambes et se tourna vers Pansy qui la fixait depuis la porte du dortoir, l'air las.
-"J'y vais."
Elle se racla la gorge, prenant son parchemin pour le froisser dans la paume de sa main et le caser dans sa poche.
Ariana se leva, sortit du dortoir en frôlant Pansy, descendit les escaliers pour sortir au plus vite et se retrouva face à Harry qui l'attendait dans le couloir près des cachots.
-"Tu voulais me voir." La voix d'Ariana le fit lever les yeux du sol et il se redressa.
-"J'aimerai que tu rejoignes notre groupe rien qu'une seule fois."
Elle leva un sourcil, ne comprenant pas.
-"Tu es la meilleure en sortilège du patronus, je t'ai vu le faire des dizaines de fois lorsque tu t'entrainais dès la deuxième année, aidée par Dumbledore."
Elle ne dit rien, le laissant parler.
-"J'aimerai le leur apprendre demain, et je voudrais que tu m'aides."
-"Je te l'ai déjà dit." Objecta Ariana. "Je ne veux pas-"
-"participer à nos cours, je sais." Il soupira. "Anthony m'a dit que tu accepterais peut-être cette fois, parce que tu sais que tu ne peux pas rester passive face à Ombrage."
Elle ne dit rien.
-"Je suis désolée, Harry." Elle campa sur ses positions. "Mais je ne veux pas risquer mon année."
-"Je vois."
Son ton déçu ne la fit pas flancher.
-"Merci quand même."
Il se racla la gorge, remit les mains dans ses poches et repartit comme il était venu, la tête plus basse.
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|| 𝖒𝖊𝖒𝖔𝖗𝖎𝖊𝖘 || [TERMINÉ]
أدب الهواة"Les Hommes ne naissent pas mauvais, Draco. Ils le deviennent." ***** ❝Lorsque le lac noir se teintera de sang, Alors les cloches sonneront l'allégresse, Mais tout ne sera que tristesse Car une reine ne peut vivre le...