La scène se déroulait devant moi comme une pièce de théâtre dans laquelle je pouvais me déplacer sans pour autant interagir avec les acteurs. Je voyais devant moi Roan avec quelques années en moins sur ses traits. Ses cicatrices étaient encore rosées et devaient être récentes. Il était assis dans une minuscule chaumière au toit pointu. Il faisait très froid. D'ailleurs, lui-même portait une fourrure pour le protéger. Contre toute attente, un feu brûlait déjà dans l'antre mais il ne dégageait que peu de chaleur pour ne pas dire aucune. L'habitation était dans un bordel monstrueux et n'était constitué que d'une seule pièce, deux fenêtres et la porte d'entrée. Il y avait de nombreuses tables supportant toute sorte de livres poussiéreux ainsi que des cartes incompréhensibles. La plupart des objets étaient d'origine inconnu pour moi et trônaient sur des étagères poussiéreuses. Aux côtés d'un lot de trois coquillages, il y avait un petit cube fait d'un métal tellement poli qu'il reflétait parfaitement le peu de lumière de la pièce. Un minuscule point bleu clignotait sur un des coins. Il y avait aussi une sculpture formée de cinq boules surélevées dont deux se balançaient pour frapper les autres sur un rythme régulier. J'étais si concentrée sur celles-ci que je ne remarquais pas la plante carnivore dans un coin reculé avant qu'elle ne pousse un cri à en percer les tympans. Roan se boucha les oreilles en jurant.
- Putain la saloperie!
Je lâchais moi-même un hurlement bien sentit que personne ne pouvait entendre. La main toujours sur le cœur, je vis entrer la fillette à la peau foncée qui fonça directement vers l'étagère que j'observais un instant plus tôt. Elle ignora l'Alpha et entreprit de sortir d'un sac qu'elle portait en bandoulière quelques décorations supplémentaires pour agrémenter son chaos. Il y avait entre autres un bocal verdâtre contenant une tête ressemblant à un cheval difforme, un plan jaunâtre de trois structures de forme triangulaires pointant vers le soleil ainsi qu'un canard en plastique jaune. Ce dernier ajout me laissa particulièrement perplexe tant il détonnait avec le reste.
Après l'avoir positionné avec grande minutie aux côtés du cube brillant, elle daigna enfin se retourner vers son visiteur en affichant un sourire exagéré et totalement faux. Chez une fillette de cet âge, c'était particulièrement effrayant et je ne me serais pas faite priée pour partir à la course si elle me regardait ainsi.
- Roan, tu es en retard.
Il la dévisagea, le regard vide. Sa voix avec un accent bien particulier que je ne connaissais pas quoi qu'il était vrai que mes connaissances venaient de livres et qu'on ne peut rien entendre venant pages manuscrites.
- Mais... je suis arrivé avant vous...
- Ah bon?
Son effroyable grimace disparût et elle saisit le fameux cube. Après une courte manipulation, il s'illumina et fit apparaître de nulle part des lignes de lumière formant un calendrier. Je reculais de plusieurs pas, prise d'un nouveau frisson d'horreur. Étais-ce de la magie? Je n'étais pas la seule à le croire puisque Roan faillit renverser son siège en voulant s'éloigner.
- Wow! Je ne voulais pas vous fâcher! C'est vous qui m'avez fait venir ici!
Elle l'ignora de nouveau, absorbée par son étrange calendrier qu'elle manipulait du bout du doigt.
- Oh! Tu as doublement raison. C'est moi qui suis en retard et oui je t'ai bien fait venir à moi. Intéressant... j'ai rarement autant de visiteurs!
- Euh... mais je suis seul.
Tout comme lui, mon regard était rivé sur elle. La jeune fille afficha un sourire énigmatique.
- Le sommes-nous vraiment jamais?
Un silence de plomb se répandit dans la pièce. Un frisson me parcourut des pieds à la tête. Quelque chose me disait qu'elle savait que j'étais présente et je n'aimais pas ça du tout. Perdue dans mon insécurité, je tentais machinalement de puiser de la force dans ma louve mais je ne rencontrais qu'un vide abyssal. Son absence me glaça les os et me donna de vertige mais on ne me donna pas le temps de réfléchir.
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Élizabeth
WerewolfJe crus sombrer quand une idée me traversa l'esprit. Et si nous éliminions un risque dès maintenant? Et si nous prenions les devants pour une fois? Et si je décidais d'être courageuse et d'affronter ma peur? Peut-être cela ferait-il changer le cours...