Chapitre 1(corrigé)

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Lorsque je suis rentrée ce soir-là, je suis montée aussi discrètement que possible à l'étage pour coucher John dans son lit. Il n'a jamais ouvert un œil à mon grand soulagement. Il allait sans doute considérer ce qu'il avait vu dans la forêt comme un simple rêve et c'était mieux ainsi.  S'il avisait nos parents... Disons que je préférais éviter une guerre. Quant à eux, ils ne s'étaient rendu compte de rien, ils dormaient dans leur chambre au rez-de-chaussée. J'entendais même leurs respirations en allant chercher de la glace pour ma cheville. J'arrivais à marcher, mais elle était enflée et franchement douloureuse.

Je finis par revenir dans ma chambre, le corps mal en point et l'esprit épuisé. Je repoussai ma montagne de petites peluches et m'allongeai en soupirant dans mon lit. Tout s'était passé si rapidement ce soir. La dispute, sans doute ridicule, des parents, la fuite de mon frère, cet énorme loup qui avait failli nous tuer et finalement l'arrivée de cette jeune femme, Élizabeth. Elle nous avait sauvés et ramenés au village alors qu'elle était en droit de nous achever. Pourquoi l'avait-elle fait? Qu'avait-elle à y gagner? J'avais tant de questions sans réponses...

Je finis néanmoins par m'endormir et fis d'étranges rêves dans lesquels je me perdais en forêt et elle venait à nouveau à mon secours.

*****

Je passai les jours suivants à ressasser ces évènements en voulant y trouver un sens, rien n'y faisait. Mon frère n'avait jamais rien dit non plus à propos de cette nuit et nous avons continué notre vie quotidienne. Ma cheville s'était rapidement remise, cependant j'avais dû manquer quelques entrainements au grand désespoir de mon père. Je lui avais raconté que je m'étais tordu la cheville en descendant trop vite l'escalier. La vérité est que je suis si maladroite que ce mensonge aurait très bien pu ne pas en être un. Il s'était contenté de me sermonner.

- Comment crois-tu pouvoir devenir une chasseuse aguerrie alors que tu n'arrives même pas à descendre un banal escalier?

J'aurais voulu lui envoyer le fond de ma pensée en pleine tête. J'aurais voulu lui dire que je ne voulais pas devenir comme lui, que ces loups étaient aussi en partie humains et que tuer l'un des leurs était un meurtre; au même titre que si c'était l'un des nôtres. Je n'en avais pas eu le courage...

- Je vais être plus attentive, père, avais-je répondu en évitant son regard.

Cette soirée dans la forêt aurait dû me traumatiser et me pousser à éviter encore plus de m'approcher de la limite, c'était tout le contraire. Quand je jouais dans la cour arrière avec mon frère, je ne pouvais m'empêcher de jeter des coups d'œil vers l'ombre des arbres. Je me demandais toujours s'il y en avait un tout près qui nous observait. Bien sûr, je ne voyais jamais rien et c'était avec une pointe de regret que je continuais nos jeux.

- Mimi, pourquoi r'garde toujours la forêt?

M'avait-il demandé un après-midi, à ma grande surprise. Je n'aurais pas cru qu'il s'était rendu compte de mes rêveries, il me connaissait encore mieux que je ne le croyais.

- Pour rien mon grand, je suis juste curieuse.

- Est-ce à cause du méchant loup?

Je sursautai en le dévisageant, il n'a pas oublié! Il m'observait avec ce petit air à la fois inquiet et innocent que seul un enfant peut afficher. Je me forçai à lui sourire malgré mon trouble et je dois l'avouer, une certaine panique.

- Tu n'en as pas parlé aux parents, hein?

Il secoua la tête en signe de négation et je soupirais de soulagement.

- C'est bien. Ça doit rester notre secret, d'accord?

- Un secret?

- Oui, juste à toi et moi, il ne faut en parler à personne d'autre. Tu crois que je peux te faire confiance?

Il sembla hésiter un instant, mais un sourire de ma part et son visage s'illumina.

- Oui, Mimi peut avoir confiance!

- Je savais que je pouvais compter sur toi.

Ma réponse le rendit si joyeux qu'il en oublia le début de notre discussion et se jeta dans mes bras. Je lui offris une séance de chatouilles jusqu'aux larmes, en riant comme seul lui peut me faire rire, avant que notre mère nous appelle pour le repas.

***

Plus tard ce jour-là, je sortis dehors, seule, afin de prendre l'air et me dirigeai vers mon jardin; je n'aurais jamais cru que ce genre d'activité soit mon style et j'y avais rapidement pris gout. Quelques mois plus tôt, je me cherchais désespérément une occupation, autre que mes entrainements, qui me ferait aller à l'extérieur. Tu peux lire dehors, m'avait proposé ma mère, mais je voulais quelque chose de plus manuel.

En allant au marché, j'étais tombée sur un étalage de graines de semence en tout genre, sur un coup de tête, j'en avais acheté et m'étais mise à la tâche. Aujourd'hui, le potager avait une fière allure, ma mère adorait cuisiner ces aliments tous frais. D'ailleurs, je remarquai qu'il y avait des tomates mures que j'allais pouvoir lui apporter, afin de préparer le repas du soir. Je m'en délectai à l'avance!

Je rentrais lorsque j'eus une drôle de sensation; vous savez quand vos cheveux se hérissent sur votre nuque et que vous pressentez que quelqu'un vous observe, c'est exactement ce que j'ai ressenti. Je ne voyais pourtant personne dans les alentours et nos voisins étaient assez distancés pour ne pas avoir ma position à portée de vue. Je tournais littéralement dans tous les sens et le sentiment d'être observée s'amplifiait.

Un mouvement rapide dans la forêt finit par attirer mon attention. Je secouai la tête croyant avoir rêvé, pourtant mon instinct me criait d'aller jeter un œil. Je finis par déposer mon panier de victuailles et m'approchai en douceur. Je me sentais prête à déguerpir au moindre mouvement trop brusque. Je sais, je suis une poule mouillée et ce n'est pas un entrainement au combat qui va me changer!

J'arrivais finalement à la limite des arbres, le cœur dans la gorge et la panique au ventre.

- Il y a quelqu'un?

Ma gorge était si contractée que ma question sonnait comme une plainte douloureuse. Je n'eus aucune réponse à mon élan de courage et je sentis mes épaules se détendre, légèrement. Je soupirai, sur le point de retourner à mon quotidien quand j'entendis un craquement. J'ouvris grands les yeux en reconnaissant la personne qui se tenait bien droite devant moi, elle me détaillait avec un regard à la fois doux et sauvage.

ÉlizabethOù les histoires vivent. Découvrez maintenant