Chapitre 75

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Nous étions restées encore un moment serré l'une contre l'autre à échanger une caresse ou encore un baiser jusqu'à cumuler suffisamment de courage pour se lever et poursuivre notre matinée, du moins si nous étions encore le matin. Il n'y avait aucune fenêtre alors impossible pour moi de savoir si la journée n'en était qu'à ses débuts ou si elle était bien avancée.

- En te transformant, tu devrais guérir plus rapidement.

- Bien franchement, je n'ai pas du tout envie de me promener sur quatre pattes pour le moment. Je préfère avoir un peu mal et garder mes jambes.

- Comme tu veux.

Elle embrassa la paume de ma main malgré son désaccord qui planait doucement entre nous. Je n'en fis pas un cas, je savais qu'elle n'insisterait pas et qu'elle voulait mon bien mais je n'étais pas encore en paix avec ce qui m'était arrivé alors pas question de changer de forme. Nous nous immobilisâmes devant la cellule de Roan. Le moment était venu et je croisais les doigts pour que tout se passe bien. Enfin... ne pas le tuer avant d'avoir des réponses serait déjà très bien si on demandait mon avis. Légèrement angoissée, je fis signe à Élizabeth qu'elle pouvait ouvrir la porte.

La pièce était aussi éclairée que lorsque j'y étais enfermée. Je clignais plusieurs fois des paupières sous l'assaut des néons puis mon regard tomba sur la forme recroquevillée près du mur de gauche. Je n'étais pas préparée à voir ce qui m'y attendait. On m'avait dit qu'il était en mauvais état mais je n'aurais jamais cru que c'était à ce point-là. Étais-ce bien mon œuvre?

Il était assis au sol, dos contre le mur. Des chaînes sécurisaient sa position comme pour moi quelques jours plus tôt. Elle n'était pas en argent mais ce n'était pas non plus nécessaire. Ses cheveux, ou plutôt ce qu'il en restait, tombaient tachés de sang devant son visage dont muscles et nerfs étaient exposés à l'air libre jusqu'au niveau de la clavicule. Le reste de son corps était parsemé de traces de morsures et de griffure de taille impressionnantes. Elle avait été nettoyée, sans doute pour l'aider à tenir le coup jusqu'à ma venue mais rien n'aurait pu le guérir. Pas même une transformation supplémentaire n'y arriverait. Je doutais même fortement qu'il en ait la force. Il était devenu inoffensif; un mort en sursis.

- Tu contemples ton œuvre Chasseur.

Élizabeth referma la porte derrière nous mais j'aurais difficilement pu y accorder moins d'attention. L'agressivité de sa voix me laissait complètement indiférente.

- Tu as seulement ce que tu mérites alors ne fais pas cette tête. Il paraît que tu veux me voir.

Il releva difficilement la tête, ses yeux sombres s'attardèrent momentanément sur mon appui.

- Est-ce là vraiment la seule blessure que j'ai pu te causer?

Je haussais les épaules.

- C'est la seule avec laquelle je me suis réveillée.

Il eut un rire sec qui se mua en quinte de toux. J'attendis tranquillement qu'il se reprenne. Je me sentais étrangement calme, comme si je disposais de tout le temps du monde. Face à lui, en cet instant précis, je me sentais puissante et c'était un sentiment bien rassurant.

- Je veux que tu termines ce que tu as commencé, Réussit-il difficilement à articuler avec sa gorge partiellement lacérée.

- Pourquoi me donnerais-je cette peine alors que tu vas mourir de toute manière?

- Tu as des questions et j'ai des réponses.

Je le dévisageais franchement. L'idée de lui donner satisfaction me donnait envie de vomir. Voulais-je qu'il meure? Oui mais certainement pas selon ses termes à lui. Je voulais qu'il souffre et je comptais bien avoir mes réponses d'une manière ou d'une autre.

ÉlizabethOù les histoires vivent. Découvrez maintenant