Moi qui éprouvais déjà des difficultés à gérer mes nouveaux sens de loup, je me retrouvais rapidement avec une migraine carabinée en y ajoutant ce qui venait de m'être offert. La lumière qui filtrait par la canopée me brûlait les yeux, le son de mes propres pas résonnait comme autant de coups de tambour à mes oreilles, le moindre courant d'air faisait frissonner d'horreur ma peau sensible, mais le pire était mon odorat. Tant d'odeurs agressaient mon nez qu'il m'était impossible de faire la moindre distinction entre l'humidité du sol et ma propre transpiration. En temps normal, j'aurais été enchantée de ne pas la sentir étant donné la chaleur qu'il faisait, mais je savais que ce n'était pas normal. Ma température devait atteindre de nouveaux sommets, je marchais dans une forêt humide tout en combattant mes sens, mais aussi mon corps qui était de plus en plus parcouru de spasmes. Pourquoi cela ? Réponse simple, mais ô combien frustrante ! La pleine lune me poussait à la transformation même si ma louve n'y tenait pas !
Ma mère me sortit de mes pensées en me faisant signe de la suivre vers la droite. Elle ne disait rien, bien entendu, mais je restais soulagée qu'elle semble trouver quelque chose. Néanmoins, la panique dans ses yeux quand elle se retourna vers moi me donna des sueurs froides.
— Regarde au sol Yumi...
Je ne voyais rien de particulier à part une quantité impressionnante de fougères.
— Utilise ton nez !
Son aura devint rouge orangé, me pressant d'obéir. Je fermais les yeux et me penchais, essayant de mettre toute ma concentration dans mon odorat. Mon nez me brûlait, mais bien plus rapidement que je ne l'aurais cru possible, tous les stimulus environnants disparurent pour ne laisser qu'une douce odeur sucrée avec une touche fer qui me laissait un arrière-goût sur la langue ; du sang. La quantité était infime, mais je sus en un instant de qui il provenait. C'était John.
Ma conscience fut projetée vers l'arrière, mais mon corps, lui, s'élança vers l'avant. Étais-je en colère ? J'ignore si on peut ainsi qualifier ce que je ressentais, mais une chose était certaine : des têtes allaient tomber très bientôt. On avait fait du mal à mon frère. Mon petit frère doux et fragile qui n'avait jamais rien demandé à personne et qui aimait tout le monde. Comment pouvait-on être ignoble au point de faire du mal à un enfant handicapé...
Je laissais mon instinct me guider entre les arbres à une vitesse impressionnante alors que mon corps changeait une nouvelle fois. Je distinguais encore par moment d'autres perles sucrées au sol et suivait la piste sans me poser plus de questions. Il était là, c'était bien lui et j'allais enfin le retrouver. C'était tout ce qui m'importait.
Je zigzaguais sous le couvert d'arbres de plus en plus familiers, mes pattes résonnaient sur le sol comme des tambours à mes oreilles. Je ralentis la cadence alors qu'une petite voix dans ma tête m'incitait à la prudence. Quelque chose clochait. Mes pas me ramenaient vers le village. Je me retournais et constatais que ma mère n'était bel et bien pas derrière moi. Je l'avais sans doute semé durant ma course effrénée. Merde.
Je me sentis partagée. Je n'aimais pas l'idée de la laisser derrière, mais le sang de mon frère m'appelait. N'était-ce pas ma priorité ? Mes griffes raclaient le sol alors que mon esprit se combattait lui-même. L'instinct animal de ma louve criait au piège devant l'évidence de la piste. Pourquoi serait-il si soudainement facile à trouver ? Il voulait que je revienne à Ookami, mais dans quel but ? Agacée par mon hésitation typiquement humaine, ma louve me repoussa à nouveau et prit le contrôle de notre décision. Nous allions au village, point à la ligne. Elle me partagea une image d'Élizabeth ainsi qu'une de John. Elle avait raison. Si mon frère était là-bas avec Roan, alors Élizabeth n'était pas bien loin.
Plus nous approchions et plus je sentais le poil se hérisser sur mon dos. Un courant d'air m'apporta une suite d'odeurs qui ne me disaient rien de bon. Loups, humains ainsi que du sang, beaucoup de sang. J'arrivais finalement aux premiers bâtiments et ralentis. Le son de mes pattes effleurant le sol était le seul bruit à m'accueillir. J'avançais lentement, les oreilles bien droites à l'affut du moindre mouvement. Plus j'approchais du centre et plus je croisais des corps sans vie. Peu de connus et beaucoup dont les visages ou le pelage ne me disait rien. Ma louve se réjouit fugacement de ne pas voir de loup dont je m'étais pris d'affection et moi aussi. Les entraînements acharnés de notre Alpha avaient assurément changé la donne.
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Élizabeth
WerewolfJe crus sombrer quand une idée me traversa l'esprit. Et si nous éliminions un risque dès maintenant? Et si nous prenions les devants pour une fois? Et si je décidais d'être courageuse et d'affronter ma peur? Peut-être cela ferait-il changer le cours...