Être chez moi m'avait empli de nostalgie. Des souvenirs resurgissaient me donnant envie de rire ou encore de pleurer. J'avais envie de regarder partout pour voir si quelque chose avait changé en mon absence. J'avais le sentiment d'être partie durant des années. Comme si une vie entière me séparait du temps ou ma mère préparait le repas pendant que je jouais avec John en attendant le retour de notre père du boulot. Une part de moi avait envie de retourner a cette époque où tout me semblait si difficile alors que c'était en fait si simple. Si j'avais su que quelques années plus tard, mon propre corps me deviendrait étrangé et que ma personnalité aurait commencé à m'échappé, comme arrachée par une force plus grande que moi. Peut-être aurais-je d'avantage profité.
Même en sortant de la maison, main dans la main avec Élizabeth, ce même sentiment de tristesse ne me quittait pas. Nous étions au bord du précipice d'une guerre imminente et pourtant je songeais au temps où je sortais par cette même porte pour me rendre a l'école. Dire bonne journée a ma famille pour rejoindre Ethan qui m'attendait seulement quelques mètres plus loin. Nous n'apprécions jamais autant l'enfance que quand elle nous quitte pour de bon faisant de nous de tristes adultes dans un monde qui a perdu ses couleurs. Étais-je malheureuse? Je ne crois pas mais je n'étais pas forcément heureuse pour autant. La vie n'est ni noir ni blanche, elle n'est que teintes de gris. En me tournant vers la femme a mes côtés, elle était plus claire mais le reste n'était qu'un gris terne.
- Tu vas bien?
- Je ne sais pas comment tu fais pour tenir le coup.
- Que veux-tu dire?
Je pris une bonne inspiration, cherchant les mots justes.
- Tu avances. Tu ne recules pas et même quand tu réfléchis, tu ne t'arrêtes pas. N'en as-tu pas assez parfois?
- De quoi en aurais-je assez exactement?
Je haussais les épaules.
- De la vie. De ce monde et de ses horreurs. Ta vie a été bien plus difficile que la mienne et pourtant tu es forte et tu arrives a sourire dans les pires moments. Comment?
Je n'osais pas la regarder. Je ne voulais pas voir son expression. Était-elle choquée? Triste? Comprenait-elle ce que je lui demandais?
- C'est peut-être parce que je suis née dans un monde déjà brisé que je ne peux que voir ses bon côtés. Je n'aurais pas pu dire la même chose avant mais avec ta présence, envers et contre tout, je le trouve mille fois plus beau.
Je souris légèrement. Cette réponse était du Élizabeth tout craché.
- Tu es sages.
Elle haussa des épaules à son tour, les sourcils froncés.
- Je ne crois pas. Tout ce que je veux est qu'aujourd'hui soit plus beau qu'hier.
- Je n'ai pas l'impression qu'on y arrive dernièrement...
- Peut-être pas mais il faut continuer d'essayer. Si on ne fait rien alors en quoi avons-nous le droit de nous plaindre.
Je ne répondit rien, préférant réfléchir a ses paroles. Elle avait raison, encore une fois. Subir son malheur sans essayer de s'en sortir... c'est de la lâcheté. J'étais né dans une belle petite famille avec ses défauts et ses qualités mais j'avais eu une enfance gâtée comparé a elle. Ma vie avait prit de mauvais tournants mais j'avais toujours fourni les efforts pour essayer de m'en sortir. Qu'est-ce qui me donnait le droit d'abandonner maintenant? Qu'est-ce qui me donnait le droit de me laisser détruire? Qui me dit qu'il n'y aurait pas quelque chose de plus beau qui nous attendrait après cette énième épreuve?
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Élizabeth
WerewolfJe crus sombrer quand une idée me traversa l'esprit. Et si nous éliminions un risque dès maintenant? Et si nous prenions les devants pour une fois? Et si je décidais d'être courageuse et d'affronter ma peur? Peut-être cela ferait-il changer le cours...