Chapitre 67

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Elle tua deux autres loups avant de ralentir la cadence. Le dernier lui avait offert un combat digne de son intérêt en ne mourant pas après un simple coup de crocs. Il s'était débattu et avait même réussi à la blesser, quoique légèrement. La piqûre de ses canines m'avait fait grimacer, mais si elle avait pu, ma louve aurait souri. Elle voulait combattre et tuer, mais plus que tout, elle voulait tester ses limites. Elle était bien plus forte que tous ceux qu'elle avait croisés, c'en était même ridicule. Il lui fallait un adversaire plus puissant, il lui fallait un Alpha, mais peu importe à quel point elle tentait de trouver leurs odeurs, il n'y avait toujours rien. Ils n'avaient pas dû passer par ici. Il fallait retourner au village afin de les tracer.

Elle contemplait les environs et je la sentais hésitante. Passer au travers d'une mer de piège ne semblait pas l'emplir de joie, mais la contourner lui ferait perdre du temps. Elle gronda comme si les plantes allaient prendre conscience de sa frustration avant de faire demi-tour, choisissant l'option la plus logique à mon avis. Pas que j'aurais pu lui faire changer d'avis si elle avait décidé de risquer nos vies...

Elle prit le chemin connu qui menait à la rivière. À mon grand soulagement, elle ignora l'odeur de la petite louve qui nous suivait à ce moment-là. Je l'avais complètement oublié celle-là. Dire qu'elle était juste à nos côtés quand j'avais perdu le contrôle. La pauvre devait être effrayée et elle avait raison. Elle était bien chanceuse que ma bête n'ait pas décidé de l'attaquer. Je me félicitais d'avoir songé à masquer nos odeurs à un certain moment. C'était peut-être ce qui lui avait sauvé la vie. C'était ça ou croire qu'elle ne l'avait volontairement pas attaqué et je n'étais pas prête à mettre ainsi ma main au feu.

Alors que je croyais qu'elle retournait bel et bien au village, elle changea d'orientation et sauta dans la rivière. Heureusement, elle était très peu profonde à cet endroit. Nos pattes caressaient le fond, aidant à notre traversée. Le museau levé, elle repartit à la course sans même prendre le temps de secouer l'eau de notre pelage. Les avait-elle trouvés ? J'en doutais, sinon je l'aurais senti la première fois que nous étions passées par là. Aucune chance que je manque l'odeur d'Élizabeth. Néanmoins, elle tenait bel et bien quelque chose pour courir à cette vitesse.

Sa cadence était si élevée que le vent suffisait à sécher notre fourrure. Rien ne lui échappait que ce soit une branche, une racine, un trou dans le sol ou une simple roche qui aurait pu nous faire trébucher. Elle regardait droit devant en suivant son odorat. Peu importe quel moyen j'utilisais pour tenter de pénétrer son esprit, rien n'y faisait. Je nous voyais avancer de plus en plus profondément dans les bois, nous éloignant du champ de bataille sans savoir là où nous nous dirigions. Imaginez, vous voyez tout, vous sentez tout ce qui touche votre corps, mais vos autres sens sont inaccessibles et vous ne pouvez absolument rien faire. En me concentrant, j'arrivais à entendre la forêt, mais c'était diffus comme si j'avais un accès limité. Je pouvais utiliser ce qu'elle n'utilisait pas. C'était ainsi que je savais qu'elle suivait son nez et demeurait seulement légèrement attentive au reste, et la question se posait une nouvelle fois : que pourchassait-elle ?

Nous arrivions au bas d'un énorme escarpement rocheux dont la cime se cachait derrière le feuillage dense des chênes. Elle ralentit, leva le museau puis le rabaissa vers le sol. Elle cherchait à nouveau. Avait-elle perdu sa piste ? Que la réponse soit positive ou négative, je n'eus pas le temps de le savoir qu'elle se retourna d'un bond. Une grande louve au pelage couleur sable nous regardait. Elle ne montrait aucun signe d'agressivité, au contraire. Sa queue était immobile, abaissée légèrement entre ses pattes arrière. Elle était prudente et elle avait raison de jouer cette carte... elle n'était pas de notre meute. Toutefois, elle me semblait familière. Pourquoi ?

J'eus ma réponse rapidement. Elle entama sa transformation, laissant lentement et douloureusement la louve dorée derrière elle, ramenant un visage familier à la surface : celui de ma mère.

ÉlizabethOù les histoires vivent. Découvrez maintenant