La déclaration

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La matinée à la taverne avait été chaotique pour la jeune femme qui n'avait pas eu l'opportunité de trouver le sommeil, ressassant sans cesse les événements de la soirée. Pour accentuer sa mauvaise humeur, sa cheville la faisait souffrir et elle peinait à marcher. Elle avait donc mis un temps interminable pour arriver à Varden.

À peine l'avait-il vu entrer, même le bon vieux Beyrus, pourtant réputé pour ne pas modérer ses propos, n'avait osé faire la moindre remarque à son employée qui dégageait une aura malsaine. Or, Ambre ne voulait pas dissimuler son mal-être, lasse de fausser les apparences. Ainsi avait-elle passé sa journée à s'acharner au travail, voulant à tout prix se changer les idées.

Quand le soir arriva, elle quitta Varden pour rejoindre son cottage. Elle sortit de sa poche son paquet de cigarettes et en fuma plusieurs d'affilée, essayant de ne pas s'attarder sur la douleur qui lui rongeait la cheville, la faisant boitiller. Soudain, un bruit de sabots résonna. Elle leva la tête et reconnut la silhouette d'Anselme sur Balthazar. Le jeune homme, nerveux, alla à sa rencontre. Lorsqu'il fut à sa hauteur, il lui barra la route et arrêta son cheval.

— Que me veux-tu ? feula-t-elle d'un ton glaçant.

— Seulement te parler.

— Pour quoi faire ? Je crois que l'on s'est tout dit hier soir. Je n'ai rien à ajouter et ne souhaite absolument pas m'excuser si c'est ça que tu veux !

Voyant qu'il ne se poussait pas, elle le regarda d'un œil mauvais et jura. Elle voulut contourner l'imposant cheval, mais Anselme lui bloqua à nouveau la voie.

— Que me veux-tu à la fin ! s'emporta-t-elle.

— Ambre, s'il te plaît, laisse-moi juste te parler ! dit-il la voix tremblante. Une fois que tu m'auras écouté je te promets que tu feras ce que bon voudra. Mais, pour l'instant, j'aimerais que tu m'écoutes.

La jeune femme croisa les bras et grogna. Anselme lui tendit la main, l'invitant à monter en selle. Elle hésita puis se hissa derrière lui. Une fois qu'elle fut assise, il donna un coup de talon sur le flanc de son cheval qui partit au galop en direction du phare. Arrivés sur place, ils descendirent et s'installèrent au pied de la vieille structure en pierre, tournés face à l'océan. Après plusieurs minutes de silence, le garçon commença son discours :

— Je sais ce que tu te dis et tu as parfaitement raison. Je me suis extrêmement mal comporté envers toi hier soir. J'ai été outrageux et méchant. L'alcool m'a fait chavirer et dire des choses que je ne pensais pas à ton égard et je m'en excuse. Si j'avais su que tu souffrais autant, je t'aurais aidée d'une manière ou d'une autre. Je savais que la vie était dure pour toi, mais je n'imaginais pas à tel point. C'est vrai que tu as perdu ton père il y a peu et jamais je ne t'ai vraiment demandé si ça allait suite à cela. Pourtant je sais à quel point c'est douloureux de perdre ses parents. Sauf qu'il est vrai qu'à l'inverse de toi, je suis toujours entouré. Je sais que j'ai un beau-père pour veiller sur moi, même s'il est loin d'être parfait.

Ils regardaient l'océan s'étendre jusqu'à l'horizon, se confondant avec le ciel. La surface de l'élément reflétait les nitescences des astres, ondoyant sur les vagues.

— J'ai été méchant et incorrect, je le reconnais. Je me suis comporté comme un odieux égoïste. Tu ne m'as jamais rien demandé. Tu as toujours su te débrouiller par toi-même. Pourtant, bien que tu sois entourée de personnes parmi les plus fortunées de l'île, jamais tu n'as demandé de l'aide. C'est édifiant quand on y pense ! Tu as touché de près à un milieu qui aurait pu te permettre de vivre de manière luxueuse que ce soit en te servant du statut de Meredith pour entrer dans les bonnes grâces de certains fortunés ou même en te servant de mon affection pour toi pour que je te paie maints et maints cadeaux.

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