Le cheval fougueux

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— Non, mais qu'est-ce que c'est que cet endroit ! s'indigna Ambre en contemplant nerveusement la chambre.

Les murs se tapissaient de tissu en velours rouge où de multiples miroirs, gravures et peintures érotiques étaient accrochés. De la moquette noire, trouée par endroits tant elle était usée par les clients, recouvrait le sol. Un fauteuil et un lit à plume trônaient au centre et semblaient être les éléments principaux de la loge, si l'on faisait fi de la présence douteuse de cette échelle clouée au mur, aux barreaux limés, sous laquelle un panier garni de fouets et de cordes était posé. Enfin, une armoire laissait entrevoir un assemblage de costumes, corsets, fanfreluches et jouets. Un fort parfum imprégnait l'air, empreint d'une odeur persistante de luxure et de plantes, provenant des bouquets de roses qui commençaient à flétrir depuis le pillage.

Devant son effarement, Théodore ricana :

— Le Cheval Fougueux, chère rouquine est un cabaret libertin. Une institution où les gens aisés se rendent pour passer du bon temps en compagnie de charmantes damoiselles et élégants damoiseaux comme moi. Un palais de luxure et de débauche fort réputé et apprécié de ses clients.

La voyant blêmir et serrer les poings, prête à se jeter sur lui, il leva la main afin de s'expliquer.

— N'aie crainte rouquine, je ne t'ai pas amenée ici pour de mauvaises attentions...

— Ah oui ? Je l'espère car s'il te vient la moindre envie ou ne serait-ce que la plus insignifiante idée de tenter de me faire quoi que ce soit, crois-moi que je t'égorge !

— Calme-toi, rouquine ! Le cabaret de mon père est idéal pour passer la nuit sans être repérés ! Il y a du matériel de soin, des armes, des vivres et vu qu'il a été pillé il y a peu, je doute que des gens viennent ici dorénavant !

Ambre soupira, à la fois anxieuse et désabusée.

— Pourquoi ça ne m'étonne guère que ce soit ton père qui tienne ce genre d'établissement !

— Tout simplement parce que mon père a toujours su quelles étaient les faiblesses de ces éminentes personnes et que, malgré son aversion pour les noréens et noréennes, il était forcé d'avouer que bon nombre de membres de l'Élite aimaient s'acoquiner avec leurs impurs domestiques tachetés. Et que le cabaret permet justement de s'adonner à ce genre de plaisir en toute discrétion et de lui faire amasser une fortune considérable en échange de ses services.

— Je m'en fous de savoir ça ! s'offusqua-t-elle.

Elle se frotta les yeux, passa sa main sur son visage pour se sécher puis ôta sa veste trempée qu'elle posa sur le fauteuil. Sa chemise encore humide épousait les contours de sa peau, dévoilant impudiquement sa poitrine. Malgré son état, le garçon prenait plaisir à l'observer, un sourire niais dessiné sur son visage.

Ambre, agacée d'être sondée, pesta :

— Si jamais tu me fais la moindre remarque...

— Oui, je sais, tu m'achèves sur place, j'ai compris !

Elle inspira afin de maîtriser ses nerfs. Tout en observant les lieux, elle essorait ses longs cheveux poisseux à l'odeur insupportable. Lors d'un faux mouvement, une douleur vive électrisa son poignet. Elle s'arrêta et examina sa main meurtrie. Des gouttes de sang s'échappaient du bandage.

— Dis-moi rouquine, tu vas continuer de rêvasser et me laisser crever ou tu comptes t'occuper de moi ?

Elle grogna et le gratifia d'un regard noir.

— Si tu continues à m'énerver, je vais plutôt prendre plaisir à abréger tes souffrances !

Il fronça les sourcils mais ne dit rien. Ambre remarqua qu'il était blême et trempé de sueur.

Norden AnthologieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant