Révélations impitoyables

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Les dernières lueurs du crépuscule s'éclipsaient au profit d'un ciel noir d'encre bardé d'étoiles émergentes. Sur cette plage paisible, nimbée sous les chapes brumeuses, Irène patientait. La duchesse était assise sur le rebord d'un rocher brisé, vêtue chaudement d'un long manteau de laine. Une toque en fourrure d'hermine couvrait sa coiffe.

Soudain, une forme émergea des eaux glacées. C'était un grand homme à la silhouette longiligne et au teint si blanc qu'il en devenait presque fantomatique sous le voile sombre de la nuit. Sur ses interminables cheveux noirs gouttaient de larges perles givrées. Celles-ci ruisselaient sur ses membres inférieurs pour venir s'échouer sur le sable froid parsemé d'algues et de galets. L'homme était nu, laissant apparaître en toute innocence son membre qu'il n'avait pas coutume de masquer lorsqu'il venait céans.

À la vue de la duchesse, un sourire illumina son visage sans âge et il écarta les bras pour l'accueillir. D'un geste désinvolte, Irène écrasa sa cigarette contre le roc et la jeta. Puis elle se leva et s'approcha de lui, plongeant le bas de ses bottes dans le tapis d'écumes.

— Bien le bonsoir père, annonça-t-elle dès qu'elle fut à son contact, l'enlaçant chaleureusement.

— Comment vas-tu ? demanda-t-il en l'examinant de ses yeux bicolores, l'un doré et l'autre azuré. Tu m'as l'air en meilleure forme que la dernière fois. Moins soucieuse tout du moins.

— En effet, j'ai une bonne nouvelle. Le marquis Desrosiers a accepté l'entrevue. Je lui ai donné rendez-vous ici vendredi soir. J'ose espérer qu'il viendra et seul si possible.

— N'aie crainte, j'ai toute confiance en ce monsieur. J'ai connu son ancêtre, c'était un homme bon et un ami loyal. Je n'ai pas de mal à imaginer que ce monsieur soit aussi gentil qu'Abélard pouvait l'être.

— Gentil n'est peut-être pas le mot approprié pour le désigner. Honnête et homme d'honneur certainement. Néanmoins, il n'en reste pas moins un élitiste engagé à la cause de von Dorff et à la suprématie de la race aranéenne. Bien qu'il soit le symbole de ton Hydre, qui a malheureusement bien changé au courant des deux siècles.

— Les humains font n'importe quoi, c'est désaspérant.

Irène sourit à l'entente de sa maladresse coutumière à mélanger ou confondre les mots.

— Tant désespérant qu'exaspérant en effet.

— Mais je suis content qu'il accepte de venir ici. J'espère ne pas me tromper en me dévoilant à lui. Je voudrais pas qu'il t'arrive malheur, ni à toi ni à tes filles. Je m'en voudrais tellement.

— Je ne crains rien père. Au pire sers-toi de ta Sensitivité comme tu l'as si bien fait avec Friedrich par le passé.

— Comment vont mes petites ? Et Modeste ? s'enquit-il en frottant ses mains l'une contre l'autre.

— Le bébé va bien et sa mère aussi. Ambre se rétablit, Adèle s'épanouit tant bien que mal dans ces villes en pleines tourmentes et l'état de Blanche s'améliore.

À l'entente du dernier nom, l'homme se renfrogna et commença à se gratter les mains.

— Qu'y a-t-il père ? demanda-t-elle, troublée de le voir abattu, chose qui n'était généralement pas bon signe.

— Ma chère, commença-t-il d'une petite voix, il faut absolument que je te dise une chose qui la concerne. Quelque chose de grave et de très important et qui, j'en suis sûr, ne va vraiment pas te plaire !

Silencieux il l'invita à s'asseoir et s'installa à côté d'elle, contemplant devant lui l'étendue bleutée tranchée par les roulements écrus de l'écume afin de ne pas croiser son regard. Puis il s'éclaircit la voix et lui relata les faits. À l'entente de ces mots, la duchesse pâlit.

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