Assaillie par les contractions abdominales, Erevan s'effondra dans la cuisine un matin. Elle venait de perdre les eaux et ne parvenait plus à demeurer sur ses jambes, trop tremblantes pour la soulever. Présent à ses côtés, Jörmungand se rua vers elle et la transporta jusque dans le lit. Erevan haletait et poussait des gémissements plaintifs, le visage déformé par la douleur. Ne sachant que faire, le Serpent allait et venait dans la pièce, apportant des choses et d'autres pour la soulager.
— Où est maman ? s'alarma-t-elle. Où est-elle ?
— Elle arrive, répondit-il d'une voix hésitante, elle rentre des bois... elle a senti ton appel. Elle n'est pas loin.
Il mouilla un gant d'eau froide et lui passa sur le front.
— Je... j'ai mal ! geignait-elle. Ça fait un mal de chien !
Déconcerté par cette situation et surtout angoissé de voir sa promise souffrir, il lui prit la main et la serra avec vigueur. Puis il posa son crâne contre le sien et murmura :
— Calme-toi, calme-toi, c'est normal. Le bébé arrive.
Elle miaula aigu, le corps traversé par un spasme. Il accusa de plein fouet cette vibration douloureuse, partageant avec elle cet instant de tourments avant la délivrance. Les larmes aux yeux, il se redressa et déglutit.
— Tu veux quelque chose ?
Elle fit non de la tête et ferma les yeux. Des bruits de pas se firent entendre et Medreva pénétra dans la pièce, les bras chargés de plantes médicinales. En voyant sa fille alitée, elle se rapprocha et redressa le bas de sa robe. Puis elle lui écarta les jambes et se glissa au milieu. D'une main tendre, elle caressa son ventre.
— T'as encore du travail mon enfant, il va falloir pousser.
La fille répondit par un gémissement qui fit recroqueviller le Serpent sur lui-même.
— Ne reste pas planté là, toi, et va me chercher un seau d'eau propre et des serviettes ! ordonna la Shaman au Aràn qui s'exécuta dans l'immédiat. Et pendant que tu y es mets de l'eau à bouillir et mets les plantes que je viens de rapporter à l'intérieur !
L'accouchement dura plus de cinq heures. Restée au chevet de sa fille, Medreva dictait les ordres tandis que Jörmungand, sur le qui-vive, apportait sa contribution. Quand la tête dépassa enfin, suivie de peu par le reste du corps, la femme accueillit l'enfant qu'elle emmaillota dans un linge propre après avoir laissé le soin au père de couper le cordon ombilical. L'homme manqua de vaciller lorsque le coup de ciseau fut donné. Tandis qu'Erevan soufflait pour récupérer ses esprits, Medreva montra au père comment laver l'enfant qui poussa son premier cri : Irène naquit un jour de novembre.
— Elle est si petite, constata-t-il ému en étudiant ses orteils minuscules.
Dès qu'elle fut lavée, la Shaman palpa sa peau et l'observa sous tous les angles pour vérifier qu'elle était bien formée.
— C'est étrange, nota-t-elle en fronçant les sourcils, elle n'a presque aucune tache sur son corps. Juste une éphélide sur son sexe et une vers le nombril. C'est rare pour une Hrafn de n'avoir que si peu de tache à la naissance.
Elle se tourna vers l'homme et esquissa un sourire.
— En même temps, au vu de sa génétique, elle ne possède finalement qu'un faible pourcentage de sang de Hrafn. Je me serais même attendue à ce qu'elle soit Sensitive à son tour avec de telles prédispositions généalogiques.
— Elle est si différente de sa mère, soupira-t-il, blonde, la peau très blanche... elle a seulement ses yeux bleus.
— La génétique saute parfois une génération. Elle tient davantage de mes traits plutôt que des siens. Mais elle n'en reste pas moins une enfant venant tout juste de naître. Ses cheveux peuvent foncer et des taches peuvent apparaître dans les premières années.
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Norden Anthologie
Mystery / ThrillerIl est sur Norden des êtres capables de se transformer en animal une fois adultes, les noréens. Ces derniers cohabitent depuis 300 ans avec les aranéens, un peuple civilisé aux fondements sociétaux et principes moraux opposés. Dans ce contexte, Ambr...