Allongé dans son lit, cloîtré dans sa chambre, voilà maintenant quatre jours que Théodore n'avait pas quitté le manoir. Il s'était fait porter pâle et était parvenu à trouver un mensonge crédible pour justifier la cause de son état auprès de son père. Il se sentait vidé, ôté de toute vie, comme mort.
La révélation de la duchesse, si cruelle et impitoyable, l'avait anéanti. Il n'aurait jamais cru qu'un tel acte puisse être porté sur une personne de si haute lignée. Il revoyait à travers ses yeux cette lueur emplie de détresse, cette peur viscérale de la voir soumise, totalement impuissante et désarmée. Depuis combien de temps cachait-elle ce traumatisme ? Était-ce un fait récent, l'origine de son malaise en pleine rue peut-être ? Ou bien était-ce plus ancien. D'ailleurs, il se demandait quelle pouvait être la nature de ce mal ; avait-elle été harcelée, battue, voire même violée ?
Pris d'un haut-le-cœur, il ne voulait songer à cette dernière proposition qui semblait, hélas, la plus crédible d'entre elles. Ayant jadis été le bourreau de la rouquine, la honte et la culpabilité l'envahirent. Il comprit alors pleinement les conséquences désastreuses qu'un tel acte pouvait engendrer, les traumatismes néfastes qui en découleraient et qui marqueraient à vie la personne souillée. Il fut gagné par un profond dégoût envers lui-même et ne cessait de penser à Blanche, s'inquiétant pour elle chaque minute écoulée.
Ce qui l'angoissait davantage était le comportement d'Irène qui ne semblait pas avoir été mise au fait de cet événement et se comportait comme à l'accoutumée. Savait-elle que sa fille et lui s'étaient disputés ? Ou même, savait-elle que sa fille avait subi une agression ? Blanche conservait-elle ce secret sans que personne, hormis son bourreau, ne soit au fait de ce drame ?
Il se mit à la fenêtre qu'il ouvrit en grand et laissa entrer un filet d'air frais dans cet espace clos à l'atmosphère étouffante. Il grelottait. Le vent crépusculaire était glacial et hérissait les poils de son corps, seulement couvert d'un ample pantalon. Alors qu'Emma entrait pour apporter son repas, il essuya ses yeux et se retourna.
— Vous allez mieux maître ?
— Puis-je te parler ? demanda-t-il d'une voix enrouée.
Sans un mot, elle hocha la tête et, sous son invitation, alla s'asseoir sur le rebord du lit, à ses côtés. Théodore se racla la gorge et commença faiblement :
— Ça va être très dur pour toi comme pour moi d'aborder ce sujet, mais je tiens à le faire.
— De quoi s'agit-il ? s'inquiéta-t-elle. Vous voulez que je vous rembourse ? Vous ne voulez plus que je parte ?
— Oh, non ! ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
À ces mots, elle soupira de soulagement.
— Non... je voudrais juste... enfin... je voudrais reparler avec toi de « l'accrochage » que nous avions eu tous les deux il y a longtemps.
— Quand vous m'aviez violée ? annonça-t-elle crûment.
Ce mot désarçonna le marquis.
— Oui, murmura-t-il en baissant la tête, je voulais... enfin, je voudrais juste m'excuser pour ce que je t'ai fait ce jour-là. J'ai été égoïste, j'avais envie et tu étais là... en plus on l'avait déjà fait plein de fois et tu étais ma domestique...
Il déglutit péniblement et poursuivit :
— Je m'étais excusé à l'époque, mais plus par obligation que par réel poids de culpabilité. Et je me rends compte maintenant à quel point ce que je t'ai fait est ignoble. Je n'aurais pas dû et maintenant que tu t'apprêtes à partir je tenais à m'excuser réellement pour ceci. Et je ne sais pas si un jour tu me pardonneras mais au moins, je voulais te faire part de cette pensée. Et te dire à quel point je suis désolé à présent. Sincèrement.
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Norden Anthologie
Mystery / ThrillerIl est sur Norden des êtres capables de se transformer en animal une fois adultes, les noréens. Ces derniers cohabitent depuis 300 ans avec les aranéens, un peuple civilisé aux fondements sociétaux et principes moraux opposés. Dans ce contexte, Ambr...