Une poignée de jours venait de s'écouler depuis l'incident. Ambre avait réussi, grâce aux encouragements de Meredith, à aller de l'avant. Elle n'avait pas revu Anselme et était trop furieuse contre le Baron pour commettre l'affront de venir en sa demeure. Elle ne pourrait pas résister à l'idée de l'étriper si jamais elle avait le malheur de le croiser. Pourtant elle angoissait pour son amant, ne sachant nullement quelles horreurs son tyran de père lui avait infligé pour avoir osé mentir et défier son autorité.
Durant ce laps de temps, elle avait cependant eu la joie de revoir Adèle pour célébrer son anniversaire et avait passé la journée entière à réaliser tous ses souhaits. Lors du dîner, l'aînée avait promis à sa cadette de la voir plus souvent ; après tout, le Baron ne pouvait rien faire contre cette invective. Personne hormis Meredith n'était au courant de la filiation d'Adèle avec Anselme, l'homme ne pouvait donc pas intervenir sans que cela paraisse suspect.
Ambre jubilait à cette idée, bien qu'elle eût un arrière-goût amer en songeant qu'elle se servait de sa Mouette comme d'un bouclier. Néanmoins, elle savourait le plaisir jouissif de tenir tête à l'un des hommes les plus puissants du territoire. Von Tassle était devenu son plus grand ennemi en même temps que sa rage de vivre.
Un soir, Jeanne fit irruption dans la taverne et fondit sur Ambre, manquant de la faire trébucher. Son regard était embué et ses expressions trahissaient son affolement.
— Par Alfadir, dis-moi qu'Adèle est avec toi ! s'écria-t-elle d'une voix chevrotante.
Le sang de la jeune femme se glaça à cette annonce.
— Non... répondit-elle, le souffle court. Je ne suis pas censée la revoir avant vendredi comme convenu. Elle n'est pas avec Ferdinand ?
— Hélas, non ! Ferdinand est rentré il y a trois heures de cela. Ils étaient en train de jouer à une partie de cache-cache dans les bois entre copains, ils étaient plus de douze enfants. En ne la trouvant pas, ils se sont tous dit qu'elle devait être rentrée à la maison et ce n'est malheureusement pas le cas !
Un sentiment de frayeur parcourut le corps de la jeune femme. Pourtant, ne voulant pas se laisser dominer par ses craintes, elle décida de se maîtriser et de rester pragmatique. Les gens dans la salle écoutaient leur conversation avec effarement, tous avaient en tête l'histoire du loup qui avait attaqué peu de jours auparavant. La taverne fut alors plongée dans un long et profond silence.
— Ne cédons pas à la panique ! assura Ambre. Elle est peut-être simplement rentrée au cottage ou bien est-elle allée se balader sur la plage. Après tout, elle a toujours eu l'habitude de gambader seule et je suis sûre que si jamais elle est perdue, elle n'hésitera pas à demander son chemin.
Sur ce, elle enfila son manteau et sortit en hâte de l'établissement, sans prendre la peine de s'excuser auprès de Beyrus pour son abandon de poste.
La nuit était fraîche et humide. Il pleuvait à fines gouttes, rendant la chaussée glissante. Elle se mit à courir, son manteau rouge ondoyant derrière elle au gré du vent, traversa l'allée sous la faible lueur des réverbères puis passa le pont de pierre pour s'engouffrer dans la campagne obscure.
Elle courait aussi vite que ses jambes pouvaient lui permettre, sentant son cœur tambouriner avec force contre sa poitrine. En arrivant au pied du vieux phare, elle scruta la plage située en contrebas ; celle-ci était déserte, pas un phoque ou un oiseau n'était présent. Elle poursuivit son chemin et discerna son cottage se dessiner au loin. Alors qu'elle accélérait, elle s'arrêta net en voyant que la porte était ouverte. Cependant, nulle lumière n'éclairait l'intérieur et du sang maculait le bois de la porte d'entrée.
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Norden Anthologie
Mystery / ThrillerIl est sur Norden des êtres capables de se transformer en animal une fois adultes, les noréens. Ces derniers cohabitent depuis 300 ans avec les aranéens, un peuple civilisé aux fondements sociétaux et principes moraux opposés. Dans ce contexte, Ambr...