Les hundr, les pandr et les vindyr

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La campagne était calme en cette fin de journée, plongée sous un ciel fauve aux lueurs rougeâtres, faisant écho au carnage qui venait de se dérouler quelques heures auparavant sur la place publique.

Les quatre chevaux, des destriers à la robe alezane et aux crins lavés, marchaient au pas sur la route caillouteuse, bordée par des champs et des pâturages qui s'étendaient à perte de vue. De rares maisons en pierre, des granges et des cottages isolés dans leurs écrins de verdure, égayaient ce paysage si représentatif de la campagne aranoréenne.

Les paysans, interloqués par les physiques atypiques des silhouettes qui avançaient en leur direction, cessèrent leur activité. Leurs chiens jappaient mollement, la queue entre les jambes et les oreilles basses, intimidés par la meute passante.

Les loups ouvraient la voie. Saùr, au-devant, suivi par ses six louveteaux. L'immense canidé semblait s'être remis de ses blessures et avançait sans peine, la tête dressée et le poitrail à peine taché. Sa queue battait avec vigueur et pour montrer son contentement, il laissait pendre sa langue, les oreilles dirigées vers l'avant. Ses louveteaux faisaient de même, imitant au mieux leur chef de meute.

Sonjà et Skand fermaient la marche. Assis côte à côte, la guerrière faisait plus du double de la carrure de son homologue que tout opposait physiquement ; elle était aussi rousse et blanche qu'il était brun et basané. La cheffe avait l'œil vif et affichait une mine réjouie. Elle se tenait bien droite et tirait fermement les rênes de Majar, son imposant cheval fougueux qui fut jadis son frère, les mains couvertes de sang séché et d'écorchures.

— Voilà qui a bien changé ici depuis le temps ! nota-t-elle en étudiant le paysage. Voilà qu'ils ont tout cloisonné. Quel intérêt de mettre des murets partout ? Et en pierre en plus ! Alors que les carrières sont bien loin... C'est à croire qu'ils ont peur de se faire voler leurs bêtes. Et regarde-moi ces fleurs de toutes les couleurs. Ah ! ça pour être jolie, ça l'est, mais elles ne sont pas bien utiles. Et t'as vu la taille de leur troupeau ? C'est à croire qu'ils ne mangent jamais de gibier et ne se contentent que de leurs bêtes grasses.

Elle fit stopper net son cheval et s'attarda un instant sur une propriété. C'était une petite maisonnée de style rudimentaire peinte en blanc et en toit fait de chaume. De la fumée s'échappait de sa cheminée, dévoilant une odeur de soupe de légumes. La bâtisse était encerclée par un jardin boisé, foisonnant d'arbres fruitiers.

— Sahr ! par contre, leurs vergers sont beaux et leur nourriture sent fort bon ! Ça donne envie d'y goûter.

Elle descendit de sa monture, cueillit deux pommes qui dépassaient de la clôture et en lança une à Skand qui l'attrapa en vol. Puis elle remonta en selle avec aisance et donna un coup de talon à son cheval qui repartit au pas. Déçu de ne pas avoir eu de fruit, Majar hennit et claqua ses sabots sur le sol, soulevant des amas de poussière.

— Va, mon Majar ! T'es déjà bien gros, t'auras ta part à Meriden ce soir ! dit-elle en lui tapant l'encolure.

Elle croqua à pleines dents la pomme. Le fruit était sucré, charnu et plus agréable en bouche que ne l'étaient les leurs.

— Ma parole, ils sont doués pour les cultures.

— Vrai, répondit Skand, du moins ceux de ce verger. On ne cultive pas trop ça chez nous, trop de vent et sol sableux.

Le peuple corbeau du Sud, composé de près de dix-sept mille membres, était celui comptant le moins d'individus en son sein. Le territoire Korpr s'étirait le long de la côte est. Le paysage était exclusivement de la plaine balayée par les vents et de grandes étendues de plage de galets. Quelques bosquets poussaient en ces lieux et composaient la frontière avec le territoire Svingars. Ils vivaient majoritairement de la chasse au petit gibier et de la pêche et étaient, par conséquent, de bons navigateurs.

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