Convalescence

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Le cri des mouettes résonnait, accompagné de claquements de sabots et de hennissements. Ambre ouvrit les yeux et contempla avec lenteur l'espace dans lequel elle se trouvait. C'était une petite chambre au sol marqueté et dont les murs se tapissaient d'un papier peint blanc. Une grande fenêtre bordée de rideaux rose poudré s'ouvrait sur l'extérieur et dévoilait un magnifique panorama sur les jardins situés en contrebas ainsi que sur l'océan.

La jeune femme reconnut les lieux ; elle était au manoir, en la demeure du Baron von Tassle. Elle s'étira de tout son long et sentit que tous ses muscles étaient engourdis.

Une douleur lancinante la brûlait au visage. Inquiète, elle se leva puis alla s'observer devant le miroir. Une ample chemise de nuit en lin l'habillait, s'arrêtant à mi-cuisse. Ses cheveux emmêlés et ternes avaient bien triste mine, tout comme le reste de son corps. En effet, des ecchymoses maculaient sa peau et de fines coupures en cours de cicatrisation striaient son visage. Elle passa un doigt sur sa joue et suivit le sillon qui l'entaillait de l'arcade sourcilière jusqu'à la commissure de la lèvre.

T'as l'air bien pitoyable ma fille ! ironisa-t-elle.

Un bruit de pas résonna dans l'escalier et quelqu'un frappa à la porte. Après l'autorisation de son hôtesse, Émilie entra, un plateau en main sur lequel étaient disposées une tasse de café ainsi que deux tartines beurrées. Le visage de la domestique s'illumina en la voyant debout. Elle déposa le plateau sur la coiffeuse et s'enquit de son état :

— Oh, mademoiselle ! Si vous saviez comme nous avons eu si peur pour vous ! Nous ne savions pas si vous arriveriez à guérir. Je suis ravie de vous voir enfin réveillée et que vous parveniez à vous tenir debout !

Ambre l'écoutait d'une oreille, tentant de se remémorer les événements. Ceux-ci lui revinrent par flash et elle sentit son cœur se serrer au souvenir de son Anselme. Elle soupira et se laissa choir sur la chaise. Pendant que la jeune femme engloutissait le pain avec appétit tant elle était affamée, Émilie s'installa derrière elle pour la brosser.

Aucune des deux ne parla, trop concentrées sur leurs tâches respectives. Ambre mâchait les aliments de manière compulsive, avec une avidité presque bestiale ; déchiquetant avec plaisir et sans la moindre grâce les morceaux de pain qu'elle portait à sa bouche. Puis elle but d'une traite le breuvage qui lui lacéra l'intérieur de la gorge, provoquant une vive brûlure dont elle n'avait cure.

— Combien de temps suis-je restée inconsciente ?

— Pas loin de trois semaines, mademoiselle. Vous êtes arrivée ici en bien piteux état. Heureusement que monsieur le Baron avait donné l'alerte et était là pour vous ramener en hâte votre sœur et vous. Nous avons donc pu rapidement vous prendre en charge et vous soigner.

Soudain, l'image de sa cadette lui vint en mémoire.

— Où est Adèle ? s'enquit-elle, angoissée. Elle va bien ?

La domestique eut un petit rire.

— Oui, mademoiselle ! Elle est en bas et s'amuse dans la cour. Son état était bien moins préoccupant que le vôtre. Une fois sa fièvre atténuée, il ne lui a pas fallu longtemps pour que sa santé s'améliore. Elle tousse encore un peu, mais rien de bien méchant. En revanche, votre état à vous nous a grandement inquiétés. Nous ne savions pas si vous alliez réussir à surmonter cela et à vous rétablir. Même monsieur le Baron était anxieux. Il est resté longtemps à votre chevet et passait vous voir régulièrement.

Ambre rit nerveusement ; elle ne pouvait imaginer cet homme aussi impitoyable porter ne serait-ce qu'une once de bienveillance à son égard. La nouvelle avait de quoi surprendre et elle se demanda si Émilie ne lui racontait pas cela pour l'adoucir.

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