Expédition hasardeuse

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Ambre se mira à travers le miroir de la chambre. Avant de partir, vêtue d'une longue tunique blanche cintrée à la taille qui dissimulait son bas ainsi que ses bottes, elle prit la broche de sa cousine ainsi que son arbre généalogique et les fourra dans la poche avant de son pantalon. Son état vaseux s'en était allé, manger lui avait fait le plus grand bien et elle se sentait d'attaque pour poursuivre son périple, qu'importe le danger présent à l'extérieur. Elle sortit et longea les couloirs.

En arrivant devant la porte de Théodore, elle regarda l'horloge, vit qu'il lui restait une poignée de minutes avant le départ de la diligence, puis toqua.

— Je ne souhaite pas être dérangé ! Veuillez partir ! répondit une voix étouffée.

— C'est moi, annonça-t-elle après un temps.

Elle patienta un instant mais, n'entendant aucun bruit, reprit sa route. À peine fit-elle un pas que la porte s'ouvrit. Théodore l'observait sans un mot et respirait bruyamment, les yeux rougis par les larmes.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Juste t'avertir que je pars.

Il fit une moue et acquiesça.

— Soit, bon courage à vous mademoiselle Deslauriers ! dit-il sèchement. En espérant que le Baron soit sauf et que vous puissiez le rejoindre sans encombre. Vous passerez le bonjour à votre cousine et à votre tante de ma part !

Piquée au vif par ses paroles, Ambre resta interdite. Puis elle se ressaisit et le regarda droit dans les yeux.

— Je souhaitais juste te remercier, avoua-t-elle, et aussi te dire que je suis désolée pour ton père.

Au bord des larmes, elle se pinça les lèvres, parvenant difficilement à sortir ces mots tant sa gorge était nouée.

— Je sais ce que ça fait que d'apprendre la perte d'un être qui nous est cher. Surtout lorsque l'on en possède que très peu. Je sais que c'est difficile et que le deuil peut être long et... j'espère sincèrement que ça va aller pour toi.

Un silence pesant s'instaura. Pour la première fois, ils se dévisagèrent l'un l'autre sans animosité. Bien qu'elle ne pouvait lui pardonner ses actes, elle pouvait se résoudre à tourner la page. Après tout, ils étaient alliés et, malgré leur aversion, s'étaient mutuellement tirés d'affaire ces dernières heures en s'épaulant à tour de rôle.

— Merci rouquine, se contenta-t-il de répondre.

Elle s'essuya les yeux et avança une main hésitante en sa direction. Théodore sourit faiblement et tendit la sienne.

— Tâche de ne pas mourir toi aussi, cela m'ennuierait de ne plus avoir ma cible favorite à tourmenter.

— J'y veillerais !

Il lâcha sa main. Après un dernier regard échangé, elle reprit sa route et arpenta les couloirs en direction de l'escalier. Dehors, une imposante diligence à la peinture grise écaillée attendait devant l'entrée, tractée par deux palefrois sans aucune unicité, l'un étant démesurément plus petit que l'autre. Les montures harnachées mordaient leur mors et piaffaient. Leurs corps creusés, aux côtes saillantes, étaient couverts de croûtes boueuses et leurs crinières foisonnaient de nœuds. Les membres de l'escouade, composée d'un cocher, de deux cavaliers armés et de deux médecins patientaient l'heure du départ imminent.

Ambre prit place à l'intérieur de la voiture et s'installa entre un bidon et des cagettes garnies de vivres ainsi que de linge propre. Les médecins entrèrent à leur tour et la toisèrent. Sachant pertinemment pourquoi ils agissaient de la sorte, la jeune femme porta son regard en direction de la fenêtre. Elle savait qu'elle n'était pas la bienvenue, que sa présence aurait pu permettre à un volontaire de les aider à prendre soin des civils.

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