Punition

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Alexander ouvrit péniblement ses yeux bordés de chassie sur lesquels un voile vitreux s'était déposé. Il discernait à peine les formes floues qui se tenaient autour de lui, dans cette pièce plongée dans la pénombre où seul un fin halo de lumière perçait à travers les persiennes. Il prit une profonde inspiration et reconnut l'odeur de sa chambre, celle de son parfum d'iris, de sa lessive mais à cela s'ajoutait une note florale, plus douce et réconfortante qu'il pouvait distinguer entre mille.

— Dé... Désirée ?

Il fut traversé par un spasme qui lui arracha un cri puis porta fébrilement une main à sa bouche et toussa rauque. La domestique, qui se tenait à son chevet, était secouée de sanglots. Elle approcha délicatement sa main afin de cueillir la sienne, tâtonnant dans l'obscurité.

— Je suis là maître, murmura-t-elle d'une voix enrouée.

Il sentit son cœur s'accélérer à l'entente de sa voix. Et le toucher subtil de sa peau contre sa paume l'apaisa. Il restait immobile, les membres anesthésiés et les pensées vaporeuses. Alors qu'il se redressait pour la voir, une horrible douleur lui tirailla le flanc. Il gémit, haletant.

— Que s'est-il passé ? demanda-t-il faiblement.

Elle renifla et posa une main timide dans ses cheveux, le caressant avec tendresse.

— Tu ne te souviens de rien ? pleura-t-elle.

Alexander remarqua que ses mains tremblaient, sa friponne semblait totalement ébranlée. Il se racla la gorge et tenta de bouger sa main libre afin d'essuyer ses yeux. Malheureusement, il en fut incapable tant il était perclus de douleurs. Il émit un petit cri et grinça des dents.

— Ne bouge pas s'il te plaît ! Tu n'es pas en état !

Elle fut secouée d'un sanglot puis renâcla.

— Ulrich a appris pour ton comportement, parvint-elle à articuler tout en séchant ses larmes, il a su par Léandre que tu m'avais protégée l'autre jour. Et pour te punir, il t'a amené avec lui là-bas...

Des flashs revenaient en mémoire du jeune baron. Il se revoyait dans une arène, derrière d'épais barreaux de fer noir, plongé dans un état second. Il revoyait le visage flou des marquis et de son père à travers les grilles, dans cette salle baignée sous une lueur inquiétante. Les lieux sentaient la sueur, l'alcool et le sang. Il entendait à nouveau les aboiements incessants d'un chien, les grognements sourds d'origine inconnue, les cris et les acclamations des spectateurs enfiévrés... ce liquide rouge...

Le souffle court, il écarquilla les yeux et glissa sa main pour l'engouffrer sous les couvertures. Il alla jusqu'à tâter son flanc gauche où sa peau était dissimulée sous une large couche de bandage. Arrivé au centre, le contact de ses doigts contre cette zone sensible lui arracha un cri suivi d'un spasme lancinant.

— Je t'en prie, ne bouge pas, Alexander ! implora-t-elle.

— Raconte-moi, s'il te plaît, marmonna-t-il en fermant les yeux qu'il peinait à conserver ouverts.

Elle se pinça les lèvres et nicha sa tête dans le cou de son maître. Ce dernier pouvait sentir le souffle chaud de son haleine, semblable à une caresse invisible. Le mouvement de ses larmes ruisselant contre sa nuque et ses fébriles battements de cils lui provoquaient une étrange sensation de ravissement, fort mal convenue au vu de la situation.

— Ton père t'a puni, il t'a fait du mal. Il t'a conduit là-bas avec lui et a payé grassement le marquis de Malherbes afin d'engager un combat contre son chien, un gros molosse entraîné au combat. Ils t'ont donné cette foutue drogue et un couteau pour tu le tues de tes mains, mais le chien était trop fort. Il t'a battu et il s'est jeté sur toi... et il t'a mordu et...

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