Ambre sortit du manoir, se précipita en bas des escaliers et poursuivit sa route dans les jardins du domaine. Dès qu'elle fut suffisamment éloignée, elle s'installa sur un banc situé au pied d'un arbre et sanglota. Son souffle était court, l'air lui manquait. À l'entente, de bruits de pas se rapprochant, elle redressa la tête et aperçut le Baron qui, arrivé à sa hauteur, la contemplait sans un mot. Pour masquer son émoi, elle essuya ses yeux larmoyants d'un revers de la main et renifla.
— Je suis quoi pour vous ? parvint-elle à articuler.
Il ne répondit rien, se contentant de la regarder.
— Je suis quoi pour vous ? insista-t-elle plus fortement. Une simple conquête, un sujet d'étude ? Une proie vulnérable qui vit à vos crochets ? Votre chienne dévouée ?
Elle hoqueta puis déglutit.
— Qu'est-ce qui te met dans cet état ? dit-il le plus posément possible, tentant lui aussi de diminuer ses nerfs.
— Vous voulez rire ? ricana-t-elle. Vous osez me demander ça ? J'ai tout entendu figurez-vous ! Tout !
Il s'assit sur le banc, à ses côtés, et posa une main sur la sienne. À peine l'eut-il effleurée qu'elle l'ôta d'un geste vif.
— Ambre ! je t'avais prévenu que l'Élite cracherait son venin sur nous, que tout ce qui pourrait sortir de la bouche de ces gens-là n'aurait pour but que la provocation !
— Ah oui ? Êtes-vous sûr de ça ?
— À ton avis ? Tu es en terrain ennemi ? Que peux-tu attendre d'autre de leur part ?
Elle ne dit rien et baissa la tête, ses mains crispées contre le rebord du banc.
— Et cesse d'être aussi paranoïaque, bon sang ! Ce n'est pas parce que des personnes te sortent leur vérité ou leur point de vue que c'est forcément vrai ! Quand parviendras-tu à faire confiance en ceux qui veulent t'aider ?
— Facile à dire pour quelqu'un qui m'a tant malmenée et qui, il y a quelques heures à peine, m'a ouvertement menti à propos du déroulement de cette soirée !
Il leva les yeux au ciel et soupira.
— Je n'aurais pas dû te cacher les intentions de ce soir et je m'en excuse. Mais je ne vois pas pourquoi tu te sens autant impactée par ces paroles.
— Mais parce que je vous aime, putain !
Son cœur se serra instantanément lorsqu'elle comprit ce qu'elle venait de lui annoncer sans aucune maîtrise. Gênée de lui avoir dévoilé cela, elle se mordilla les lèvres et regarda devant elle, les sourcils froncés. Alexander, à la fois surpris et étrangement satisfait par cette révélation, s'approcha pour la faire venir à lui.
— Ne me touchez pas !
Elle se redressa et lui fit face. Comprenant qu'il ne pourrait pas la raisonner de suite, il l'avertit que Pieter les attendait à l'entrée. Elle lui adressa un œil noir et partit en direction du fiacre. À bord, elle s'emmitoufla sous la couverture tandis qu'il entra à son tour. Pieter fouetta les chevaux qui partirent au galop, s'enfonçant dans l'allée obscure.
Le trajet du retour se fit en silence. Las de parler tant la soirée avait été éprouvante, Alexander ne dit rien. Sa partenaire avait fini par achever son état au point qu'il en oublia presque la discussion qu'il avait entretenue auprès de son oncle tant elle se révélait le cadet de ses soucis à l'heure actuelle.
La mairie d'Iriden se dessina à travers la fenêtre. La tête posée contre le carreau, Ambre feula.
— Putain, mais que je suis naïve ! J'ai été terriblement stupide de penser que vous vous intéressiez à moi autrement que pour mon influence ou le fait que je sois spéciale. Et dire que j'ai fini par succomber à vos charmes, que je me suis donnée à vous toute entière... deux fois même ! Ça me dégoûte rien que d'y penser. Finalement, vous avez eu ce que vous vouliez et avez toujours voulu à mon égard !
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Norden Anthologie
Misterio / SuspensoIl est sur Norden des êtres capables de se transformer en animal une fois adultes, les noréens. Ces derniers cohabitent depuis 300 ans avec les aranéens, un peuple civilisé aux fondements sociétaux et principes moraux opposés. Dans ce contexte, Ambr...