La demande

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Le soleil entamait sa descente dans ce ciel dépourvu de nuages, plongeant la pièce sous une lueur mordorée. La fenêtre était grande ouverte afin d'aérer la chambre, baignée d'une chaleur étouffante pour un début de mois de mai. Dehors, le bruissement des feuilles d'arbres agitées par les vents se mêlait aux cris rauques des mouettes et des goélands qui rentraient au port.

Devant sa coiffeuse, Alexander était confortablement assis sur son fauteuil, entouré de flacons et diverses fournitures de toilettes. Derrière lui, Désirée brossait sa longue chevelure ébène qui lui arrivait aux clavicules.

— Tes cheveux ont sacrément poussé. C'est fou ce qu'ils sont doux et brillants maintenant.

— Tu trouves ? s'étonna-t-il.

Les yeux clos, il se laissait bercer par les caresses du peigne contre son crâne.

— Souhaites-tu que je te les attache pour une fois ? Un catogan t'irait si bien.

Il eut un petit rire et entrouvrit un œil.

— Ce n'est pas un peu désuet ? Ça doit bien faire trente ans que cette coiffure est démodée.

— Ça te donnera l'occasion de le remettre à la mode et au moins ça te rendra unique vu que t'arrêtes pas de dire que vous portez tous les mêmes ensembles.

— Dans ce cas, vas-y, je te fais confiance.

Il ricana et ajouta d'un ton malicieux :

— Au pire je saurai à qui me plaindre si je suis tourné en ridicule lors de mon rendez-vous.

— Non ! je suis persuadée que ça t'ira très bien et tu as la longueur parfaite en plus ! Je suis sûre que ça mettrait tes yeux et ton visage en valeur.

Elle fit la moue et renifla, les yeux larmoyants.

— Et Mademoiselle sera fort conquise en te voyant ainsi, ajouta-t-elle d'une voix légèrement chevrotante.

Intrigué par son ton plaintif, il fronça les sourcils et l'observa à travers le reflet du miroir. Il fut alors peiné de voir des larmes rouler sur ses joues qu'elle tentait discrètement d'essuyer d'un revers de la main.

— Tu pleures ? demanda-t-il le plus posément possible.

— Non ! Je suis juste triste que tu t'en ailles, c'est tout.

Elle toussa et se pinça les lèvres.

— En même temps, c'est ce qu'il y a de mieux non ? parvint-elle à marmonner. Tu seras loin de ce tyran désormais, à l'abri, et heureux en compagnie de la femme que tu as choisie. Protégé par tous tes nouveaux amis élitistes. Tu pourras mener tes objectifs à bien et tu n'auras plus à souffrir de sévices corporels.

Un sanglot étrangla sa voix et elle renifla plus bruyamment, tentant vainement de maîtriser les tremblements qui sillonnaient ses mains.

— J'espère seulement que tu viendras nous voir de temps à autre, même si je sais très bien que tu seras surmené. Je veux juste pas que tu nous oublies ou nous renies. Même une visite par an suffirait à me combler.

— Tu voudrais que je t'engage à mon service ? Je ne compte pas avoir énormément de domestiques et je pourrais aisément te prendre en charge. Tu n'auras plus à craindre la folie de mon père.

— Non ! je ne veux pas être un frein à ton ascension et je pense que j'aurais du mal à supporter de travailler au service de quelqu'un d'autre...

Elle soupira avant d'ajouter plus bas :

— De te voir avec une autre...

Il sentit la respiration de son amie s'accélérer. Ne voulant pas accentuer son embarras, il ne lui en fit pas la remarque et la laissa continuer sa tâche. Fébrile, elle prit ensuite un ruban de soie bleu, l'enroula autour de la mèche et fit un nœud ample qui lui retombait sur les épaules. Une fois sa tâche terminée, le baron se leva et contempla son reflet à travers le miroir. Après s'être observé sous toutes les coutures, Alexander pinça le bout de ses cheveux et s'attarda sur sa nouvelle coiffure qu'il semblait apprécier.

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