Il faisait particulièrement chaud ce samedi matin. Le soleil étincelait dans ce ciel azuré moucheté de nuages molletonneux transportés par la brise. Pour profiter de ce temps radieux, Ambre jardinait et plantait différentes graines sur la terre fraîchement retournée.
À ses côtés, Adèle arrosait les cultures à l'aide d'un arrosoir presque aussi lourd qu'elle. Le potager terminé, elles allèrent s'occuper de l'entretien du poulailler ainsi que de la stalle d'Ernest. Tout heureux de cette tendresse à son égard, le poney fanfaronnait dans son enclos. Ambre lui décrotta les sabots et remit du paillage tandis qu'Adèle le brossait et tressait ses crins.
Elles venaient d'achever leur besogne lorsqu'un bruit de sabots résonna au loin. La silhouette d'Anselme se dessina le long de la route, assis sur son destrier, cheveux au vent. Japs était à ses côtés, la langue pendante et la queue oscillant avec vigueur. Le cavalier quitta le sentier et coupa à travers champs pour aller à leur rencontre.
— Bien le bonjour, mesdemoiselles !
— Bonjour Anselme ! piailla Adèle. T'es très en avance dis donc, avec Ambre on est encore toutes sales ! En plus on pue le crottin et...
Les joues rosies, Ambre prit la tête de sa sœur et plaqua une main devant sa bouche pour la taire. Anselme eut un rire franc devant l'embarras de son amie.
— Je peux repasser plus tard si ça vous arrange ?
— Oh non, ne t'inquiète pas, entre donc ! répliqua l'aînée. Je vais te servir une cervoise pendant que l'on se prépare. Tu as mangé ? Avec Adèle on n'a pas encore déjeuné. Tu peux te joindre à nous pour le repas si tu veux.
Il accepta la proposition et descendit de Balthazar. Sa canne sous le bras, il sortit un paquetage de la sacoche accrochée au flanc du cheval et l'emporta avec lui. À peine eut-il mis un pied à l'intérieur de la maisonnée qu'un rictus se dessina sur son visage.
Cela faisait des années qu'il n'était pas venu et les lieux avaient fortement changé depuis la dernière fois. La beauté rustique d'autrefois où Hélène veillait au grain avait laissé place à une maison en pleine décrépitude. Ne voulant pas laisser transparaître sa gêne devant son hôtesse, il se ravisa et posa ses affaires sur la table à manger.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda Adèle en voyant le paquet volumineux d'où émanait un parfum fort alléchant.
— Ceci, Mouette, est notre déjeuner ! Je viens de faire les boutiques, j'ai pensé que cela pourrait vous plaire.
Il déballa le paquetage et en sortit un plat en grès contenant poulet rôti accompagné de pommes de terre façon boulangère ainsi qu'un morceau de tomme de brebis et une miche de pain blanc. Les deux sœurs étaient émerveillées à la vue de ces mets onéreux qu'elles n'avaient pas les moyens d'acheter. Les saveurs exhalées par les aliments embaumaient la pièce.
— Wahou ! s'écria Adèle, la bave aux lèvres.
— Tout provient d'Iriden ! poursuivit-il. Et j'ai pris le pain à La Bonne Graine spécialement pour toi Mouette. Je nous ai également pris une tarte aux pommes pour le dessert. Je ne savais pas ce que vous préfériez.
Ambre le remercia chaleureusement et envoya Adèle se laver. Elle fit asseoir le jeune homme et lui servit sa boisson. Pour conserver le repas au chaud, elle fit tourner doucement son four. Dès qu'Anselme fut servi, elle se posa face à lui et s'alluma une cigarette. Elle fut agréablement surprise de le voir porter son médaillon, épinglé sur son veston.
Finement ciselé dans de l'argent, le corbeau était représenté en relief, vu d'en haut, les ailes à demi-déployées. Un socle plus moderne venait donner de la profondeur au bijou sur lequel était gravé : Anselme von Tassle.
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Norden Anthologie
Mystery / ThrillerIl est sur Norden des êtres capables de se transformer en animal une fois adultes, les noréens. Ces derniers cohabitent depuis 300 ans avec les aranéens, un peuple civilisé aux fondements sociétaux et principes moraux opposés. Dans ce contexte, Ambr...