Alliés inespérés

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— Réveille-toi rouquine !

Ambre dormait lorsqu'elle fut extirpée de son sommeil par les appels incessants de Théodore qui lui avait agrippé l'épaule et la secouait énergiquement.

— Qu'y a-t-il ? maugréa-t-elle en ouvrant un œil.

Elle eut un mouvement de recul en remarquant la silhouette du marquis postée juste devant elle, un peu trop près de sa personne. Elle balaya sa prise d'un revers de la main et le regarda avec défiance ; le jeune homme affichait un teint tout aussi blême que la veille et paraissait inquiet.

— J'ai entendu du bruit en bas, quelqu'un est entré et tente de forcer la porte, expliqua-t-il.

La jeune femme tendit l'oreille ; il avait raison. Le parquet grinçait et le bois de la porte craquait par à-coups répétés à intervalles irréguliers, entrecoupés de grattements.

— T'as une arme ? chuchota-t-elle en se levant.

Le marquis sourit et lui montra le revolver qu'elle avait ramassé la veille. Réticente de voir cet homme avec une telle arme, elle ouvrit sa main afin qu'il la lui donne.

— Tu m'excuseras rouquine mais je la garde.

— Donne-la-moi !

— Hors de question ! fit-il en éloignant le revolver et en lui tendant les clés. Et puis tu ne sais même pas tirer. Alors va ouvrir et je te couvre.

Elle montra les dents et grogna.

— J'aime pas te savoir avec cet engin juste derrière moi !

— Quoi ? T'as peur que je te tire dessus peut-être ? railla-t-il. Si j'avais voulu te blesser ou abuser de toi sache que j'aurais saisi l'opportunité cette nuit pendant que tu dormais et ronflais comme une bienheureuse.

Elle pesta puis, voyant qu'elle ne parviendrait pas à le convaincre de lui céder l'arme, soupira de résignation. Le cœur battant avec vaillance, elle s'avança lentement jusqu'au bout du couloir. Théodore, posté deux mètres derrière elle, maintenait la porte en joue.

— Attends mon signal avant d'ouvrir ! Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un humain.

— C'est une bête qu'il y a de l'autre côté tu crois ?

Pour toute réponse, il haussa les épaules et pointa son revolver devant lui, prêt à faire feu. Avec la plus grande précaution, elle engouffra une des clés dans la serrure et la fit pivoter. Le bois craqua et la porte s'ouvrit prestement, percutant la jeune femme de plein fouet. Une forme indiscernable entra en trombe et se projeta avec violence contre le marquis qui, déstabilisé, tira. La balle siffla et s'enfonça dans le plafond, provoquant un bruit sourd qui résonna à travers le couloir. Sous la charge de son assaillant, il s'effondra sur la moquette, le souffle court coupé par l'impact.

Choqué, il resta paralysé un moment, ne comprenant pas vraiment ce qui venait de se produire. Il observait avec des yeux écarquillés, l'étrange spécimen qui se tenait au-dessus de lui ; une forme sombre, bordée de noir, dotée d'yeux flamboyants et de crocs jaunes couverts de bave. La créature grognait en lui écrasant le torse de sa petite masse compacte. Ses mains griffues s'enfonçaient dans son torse, arrachant au garçon un cri aigu et plaintif.

Assise par terre, Ambre avait le dos appuyé contre le mur et pressait sa main contre son front. Le coup l'avait assommée, elle gémissait. La créature lâcha son emprise et se jeta dans ses bras. La jeune femme ouvrit un œil et, abasourdie, reconnut Mesali. La fillette paraissait ravie de la revoir tant elle ronronnait, la tête nichée dans son cou.

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