Le malaise

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À l'entente d'un hurlement, Ambre se réveilla en sursaut. Des cris et des bruits de pas envahirent les couloirs. L'esprit embrumé, elle tenta de reprendre conscience de son environnement avant de s'extirper du lit. Mais à peine ses pieds nus effleurèrent le plancher que ses jambes, encore flageolantes par le remède ingurgité, cédèrent sous son poids et elle s'effondra à plat ventre. Elle grogna et se releva en s'agrippant aux couvertures. La chute l'avait sonnée et son cœur battait ardemment contre sa poitrine.

L'agitation venait de cesser, plus aucun bruit hormis des paroles indistinctes et le tintement du matériel ne résonnait. Interloquée par le silence soudain, elle ouvrit la porte et glissa sa tête par l'entrebâillement. Une infirmière, l'ayant aperçue au fond du couloir, accourut.

— Recouchez-vous mademoiselle ! La situation est sous contrôle. Veuillez regagner votre lit, je vous prie.

— Que... que s'est-il passé ?

— Ce n'est rien mademoiselle, rendormez-vous !

La dame s'apprêtait à s'en aller mais Ambre attrapa son poignet d'un geste vif pour la retenir.

— Dites-moi ce qui s'est passé ! insista-t-elle. Qui a crié ?

— Rien qui ne vous concerne ! Veuillez me lâcher et rejoindre votre lit !

Voyant qu'elle ne parviendrait pas à se défaire de son emprise, la dame pesta et lui révéla, non sans mépris, qu'une famille venait d'être agressée par des Ulfarks, engagés dans un affrontement sans merci contre les soldats de Laflégère depuis plus de trois heures. Malheureusement, un des enfants fut piégé en plein cœur de la mêlée et venait de succomber à ses blessures après avoir été ramené aux hospices, laissant les membres de sa famille, restés à son chevet, dans un profond désarroi.

Ambre lâcha la manche de l'infirmière et exigea qu'elle l'emmène en bas afin de s'entretenir avec les dirigeants du lieu. La dame objecta vivement puis, n'étant plus retenue, fila rejoindre son poste, laissant la patiente seule devant la porte de sa chambre. Courroucée, la noréenne serra les poings et, bien que cotonneuse, décida de se rendre au rez-de-chaussée. Pendant qu'elle marchait, elle s'appuyait contre les murs, chancelant comme une ivrogne. L'espace ondulait autour d'elle, le carrelage tanguait et se déformait. Elle perdit l'équilibre et trébucha, amortissant sa chute avec ses genoux et ses poignets.

— Putain, mais c'est pas possible !

Elle s'adossa au mur contre lequel elle cogna le haut de son crâne pour rester consciente. Le bruit monotone d'un tic-tac attira son attention. Elle stoppa son geste et distingua une horloge ; en se concentrant, elle remarqua qu'il était dans les environs de onze heures.

Ça ne fait que trois heures que j'ai bu ce remède... encore deux heures à attendre ! Qu'est-ce que je fais ? Je regagne ma chambre ou je file ? Je peux pas partir comme ça... je vais encore le regretter c'est sûr... j'ai même plus la force de me lever !

Elle ferma les yeux et soupira, tentant de trouver une réponse à sa question. Elle gisait immobile, à moitié endormie dans ces couloirs déserts, jusqu'à ce qu'un claquement de porte à proximité la réveille de sa torpeur.

— Je peux savoir ce que tu fiches par terre, rouquine ? fit une voix d'homme, le timbre cynique. Tu sais, les lits sont tout de même plus confortables que le sol pour dormir.

Elle ouvrit un œil et observa son interlocuteur, l'air mauvais. Théodore se tenait auprès d'elle, les cheveux ébouriffés et le teint bien moins pâle que lorsqu'elle l'avait quitté.

Norden AnthologieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant