— Halte là ! hurla l'un des soldats qui se dressait au milieu du pont, une main tendue vers l'avant.
Hissé sur un imposant palefroi blanc habillé d'un caparaçon à carreaux rouges et blancs, l'homme s'empara de son arme dans le but du stopper le cavalier engagé en plein galop qui fonçait en leur direction. Faùn tira la bride de sa monture. L'animal fit une ruade avant de s'immobiliser cinq mètres devant eux. Désirant faire preuve de diplomatie, il leva les mains et s'éclaircit la voix :
— Pardonnez messieurs, j'ai une affaire urgente à régler.
— Inutile noréen, la ville est inaccessible, ordre monsieur de La Tour.
Le Shaman observa un moment ces hommes vêtus d'un costume cardinal à plastron blanc galonné, un sigle brodé sur leur poitrail illustrant deux fusils croisés en X ainsi que quatre tours ; les armoiries de la Garde d'Honneur.
— Messieurs, daignez vous écarter, je suis Faùn, Shaman de la tribu des Svingars et je souhaite récupérer ma protégée qui se trouve actuellement dans vos villes.
Les cinq soldats échangèrent un regard, puis le meneur hocha la tête par la négative.
— Désolé monsieur, mais la ville est fermée d'accès. Qui que vous soyez, Shaman ou non, les ordres sont formels, interdiction de pénétrer dans l'enceinte de la ville jusqu'à nouvel ordre. Maintenant faites demi-tour et partez !
Voyant qu'il était inutile d'argumenter davantage, Faùn pesta et talonna les flancs de Munkor, reprenant sa route vers une autre passerelle. Pendant qu'il galopait sur cette voie pavée à faible dénivelé ascendant, il longeait le bord au plus près, examinant le lit du Coursivet situé en contrebas.
Plus il poursuivait au nord, plus la rivière s'élargissait et s'enfonçait. Il balaya le cours d'eau, zigzagant entre les arbres et les buissons à la recherche d'un passage pour le traverser. Il parvint à trouver le lieu adéquat non loin de la sortie via le pont de la Licorne. Sa vue perçante lui permettait d'épier les cavaliers qui y étaient postés.
Il soupira et examina la rive. La rivière devait faire dans les dix mètres de largeur et le courant, bien plus véloce que d'ordinaire, emportait avec lui des branches et autres objets inanimés moins habituels. L'eau se fracassait contre les rochers noirs qui se trouvaient sur son chemin, agencés anarchiquement, parfois même à plus de trois mètres d'écart les uns des autres ; trop éloignés pour tenter de les atteindre en sautant sans élan. Sur la rive d'en face, d'imposants saules et érables étendaient leurs branches.
— J'aurais dû traverser avec Sonjà au lieu de vouloir prendre ce raccourci ! cracha-t-il avec aigreur. Au moins aurait-elle pu les convaincre de nous laisser passer !
Il mit pied à terre, sortit une cordelette de la sacoche accrochée à sa selle et empoigna une flèche de son carquois. Tout comme l'arc, celle-ci était faite en bois de cerf, possédait une pointe en iridium et se terminait par une plume de corbeau provenant de Hrafn lui-même. Il la noua autour de l'embout et serra.
Dès que le nœud fut suffisamment solide, il se munit de son arc et le banda. Il inspecta les arbres et porta son dévolu sur le saule pleureur, dont les branches retombaient en cascade et se déversaient dans le cours d'eau ; une accroche idéale pour pouvoir les agripper à mi-chemin. Enfin, il décocha sa flèche qui parvint à atteindre sa cible et s'enfonça dans l'écorce du tronc.
Pour être le plus léger possible et éviter que la flèche ou la corde ne cèdent sous son poids transporté par la force du courant, Faùn se débarrassa de son carquois ne conservant que son arc qu'il enfila sur son dos. Paré, il donna une légère tape sur la croupe de son destrier et lui ordonna de rentrer à Meriden, puis il analysa une dernière fois son trajet avant de se jeter à l'eau pour entreprendre sa traversée.
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Norden Anthologie
Mystery / ThrillerIl est sur Norden des êtres capables de se transformer en animal une fois adultes, les noréens. Ces derniers cohabitent depuis 300 ans avec les aranéens, un peuple civilisé aux fondements sociétaux et principes moraux opposés. Dans ce contexte, Ambr...