Le bruissement des feuilles soufflées par la brise et le chant mélodieux des oiseaux envahissaient la cour, pénétrant dans la pièce via la fenêtre ouverte de la chambre mansardée. Cette symphonie de gazouillements s'accompagnait d'un filet d'air frais. Les rayons mordorés du soleil levant transperçaient le voilage.
Alexander ouvrit un œil et reconnut les lieux. Il se trouvait allongé dans l'une des chambres de l'hospice, aux murs écrus soutenus par trois poutres de bois sombre et au sol couvert de trois cent quatre-vingts tomettes rouges ; celle qu'il avait tant fréquentée jadis, il y a plus de vingt ans. Il inspira puis expira avec lenteur. À ce geste, il fut pris d'une subite quinte de toux et plaqua une main contre sa bouche afin d'étouffer le bruit. Tressaillant, il se redressa et s'adossa au mur, reprenant peu à peu sa maîtrise.
Dès que la crise fut passée, il s'éclaircit la gorge et massa ses yeux sur lesquels un voile vitreux s'était déposé. Le corps perclus de douleurs et la gorge irritée, il engouffra ses mains sous son ample chemise liliale et palpa son torse afin d'examiner l'étendue de ses blessures, suivant les sillons des vieilles cicatrices laissées par la main prédatrice. Avec aigreur, il sentit chacune de ses côtes, devenues anormalement saillantes, se dessiner sous sa peau aussi sèche que du cuir. Un épais bandage léchait le haut de sa cuisse, là où le coup du bris de verre fut porté.
Courroucé, il pesta et passa une main sur son visage, ce qui aggrava davantage sa mauvaise humeur lorsqu'il s'aperçut qu'une barbe naissante lui entourait le menton et que ses cheveux s'entremêlaient au passage de ses doigts tant ils foisonnaient de nœuds. En baissant les yeux, il vit Ambre assise sur le sol carrelé, la tête posée sur les couvertures, au niveau de ses jambes. Endormie, les traits du visage détendus, elle respirait bruyamment et avec régularité. Il étouffa un rire, radouci par cette vision. Elle était pieds nus, vêtue comme lui d'une ample tunique blanche s'arrêtant à mi-cuisse, sa flamboyante toison rousse cascadant le long de son dos.
La porte s'ouvrit avec lenteur. L'homme sourit à la vue de Séverine qui venait de le rejoindre. Cette dernière était accompagnée de Désirée qui, tout heureuse, sauta sur le lit. La chienne fouettait l'air de sa queue, les oreilles dressées vers l'avant, et s'approcha de son maître pour lui lécher le visage à coups de langue vigoureux.
— Doucement Désirée, murmura-t-il, ployant sous ses marques d'affection. Doucement ma grande.
Il prit sa tête entre les mains et lui gratta le crâne avant de déposer un baiser sur sa truffe. La chienne jappa et souffla son haleine au visage tout en se frottant à lui.
— Oui, je sais que tu es ravie de me revoir ma friponne, mais calme toi, tu vas réveiller Ambre !
Avec des mouvements brusques la levrette se recula, roula sur les draps et se mit sur le dos, dévoilant l'entièreté de son ventre gris crème tacheté de brun afin de se faire caresser à son tour.
— Te voila enfin réveillé, chuchota Séverine, rassurée de le voir sain et sauf, tu nous as fait une belle frayeur !
Alexander acquiesça d'un signe de tête. Un rictus se dessina sur ses lèvres lorsqu'il s'aperçut que sa chienne était couverte de croûtes et que de grosses touffes de poils manquaient par endroits.
— Que t'est-il arrivé ma friponne ? fit-il en examinant ses blessures avec une pointe d'anxiété, prenant délicatement sa patte pour observer la profondeur des entailles.
— Ah ça ! soupira la domestique. J'ai bien cru que tu allais lui fendre le cœur. C'est à cause de toi qu'elle s'est grafignée, allant jusqu'à s'étouffer et saigner ! Elle n'a pas cessé d'aboyer et de hurler lorsqu'elle t'a senti en danger l'autre jour. Elle voulait à tout prix te rejoindre. Je l'avais enfermée dans le chenil de ton oncle afin qu'elle ne puisse pas s'échapper. Malheureusement, elle hurlait à l'agonie et se jetait contre les grilles. J'ai dû me résoudre à la droguer pour l'apaiser.
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Norden Anthologie
Mystery / ThrillerIl est sur Norden des êtres capables de se transformer en animal une fois adultes, les noréens. Ces derniers cohabitent depuis 300 ans avec les aranéens, un peuple civilisé aux fondements sociétaux et principes moraux opposés. Dans ce contexte, Ambr...