Intimes confidences

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À la vue de la duchesse assise dans le salon, le visage de Théodore reprit des couleurs. Les muscles fébriles, prêts à se dérober, il avança en sa direction afin de l'enlacer.

— Je t'ai cherchée partout ! Je ne t'ai pas vue aux remparts et voyant que l'horaire défilait j'ai commencé à paniquer et j'ai donné l'alerte. J'ai d'abord cru que tu étais chez toi mais en ne t'y trouvant pas je suis retourné ici puis j'ai été chez les de Lussac et Léopold s'est proposé de partir à ta recherche. J'ai patrouillé à cheval le long de l'avenue sans parvenir à te retrouver.

— Je vais bien, ne t'en fais pas, murmura-t-elle, il y avait juste trop de soldats proches des remparts pour que je m'y sente à l'aise alors je suis allée au parc. Tu n'avais pas à t'inquiéter plus que de raison.

— Malheureusement comme je viens de vous le dire ma chère enfant, poursuivit Mantis qui se tenait assis sur la banquette auprès de sa future épouse, des disparitions ont été recensées en ville ces derniers temps tant des civils que des militaires.

Soulagé, Théodore défit son étreinte et partit rapidement se laver de pied en cap, se débarrassant du remugle de sueur qui lui collait à la peau afin de dîner dans une tenue plus décontractée. Le repas s'écoula dans une ambiance étrangement morose, si significative de ces temps de tourmentes et d'incertitudes perpétuelles. Mantis parlait avec autant d'entrain que possible, souhaitant chasser ce silence pesant qu'il ne supportait guère en sa demeure, tandis que les deux duchesses demeuraient muettes, n'échangeant que de brèves phrases entre deux bouchées.

Après diverses œillades discrètes, Théodore se rendit compte que sa dulcinée n'était pas au mieux et tentait de rester digne devant l'assemblée ou du moins devant son père car la duchesse mère semblait tout autant préoccupée par l'état de sa fille. Voulant couper court à ce dîner qui s'éternisait plus que de raison, il fit semblant de bâiller et les avertit qu'il allait se coucher. Pour intimer Blanche à se joindre à lui, il lui tendit son bras.

Après une hésitation et un regard échangé auprès de sa mère, elle se leva à son tour et le suivit jusque dans la chambre. Son silence, même en sa seule présence, le troublait et il la fit asseoir sur le lit. Elle ôta ses souliers et défit sa pince pour laisser ses cheveux se dérouler jusqu'en bas de son dos. Souhaitant la laisser tranquille afin qu'elle se prépare pour la nuit, il se redressa et partit dans la salle de bain pour se mettre à son aise. À son retour dans la pièce, il la trouva allongée sous les draps, conservant même sa robe.

— Tu veux m'en parler ? demanda-t-il timidement en rejoignant le lit. Je vois bien que tu es troublée.

— Ce n'est pas la peine, murmura-t-elle faiblement.

Il grimaça et s'installa à son tour. Il s'apprêtait à l'enlacer pour l'embrasser lorsqu'elle fut prise d'un frisson et le repoussa d'une main assurée.

— Ne me touche pas s'il te plaît.

Anxieux, il retira ses bras mais resta à proximité, la tête proche de la sienne.

— Est-ce que... est-ce que quelqu'un t'a fait du mal ?

— On parlera de cela plus tard, je suis épuisée.

Le cœur battant et les pensées vacillantes, il fit tout son possible pour refréner sa langue ainsi que ses soubresauts et se recula quelque peu. Il éteignit d'une main tremblante la chandelle présente sur sa table de chevet, laissant le noir complet s'immiscer dans la pièce. Alors qu'il tentait de ne pas gigoter, le corps traversé de spasmes tant il était agité, il l'entendit renifler ; de toute évidence, la demoiselle tentait de dissimuler ses sanglots, les étouffant contre son coussin.

Norden AnthologieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant