Le renard et l'hermine

4 1 0
                                    

Alexander ouvrit la porte du salon et invita Ambre à s'installer à son bureau. Deux verres de thé glacé étaient mis à disposition ainsi qu'une carafe en cristal. Il faisait encore chaud à cette heure, dans cette pièce orientée face à la mer et baignée par le soleil du soir. Les trois portes-fenêtres étaient déployées, laissant l'air pénétrer céans pour y apporter une délicate senteur d'herbe tondue et de fleurs, notamment des roses, provenant des arbustes qui encerclaient le pourtour extérieur du manoir.

La pièce était plongée dans une lumière dorée, faisant scintiller les appareils du cabinet de curiosités, le coupe-papier argenté ainsi que les deux médaillons posés sur le bureau, fait de bronze et d'or, l'un représentant un chien et l'autre un loup, bien mis en valeur dans leur petit écrin noir.

Vêtue d'une robe légère de style noréen d'un vert pâle à motifs floraux, Ambre s'assit confortablement dans le fauteuil situé face à celui de son hôte. Elle saisit le verre froid qu'elle but à grandes gorgées puis le garda entre ses mains afin de se rafraîchir. Quelques gouttes de sueur perlaient le long de sa nuque et mouillaient le bas de ses cheveux qu'elle avait attaché en une longue natte lui descendant jusqu'à la poitrine.

Alexander, quant à lui, conservait son veston et ne semblait nullement souffrir de la chaleur. Il s'éclaircit la voix et relata les incidents de la veille. Comme Ambre l'avait deviné, la rixe avait déchaîné les passions.

Après le dispersement de la foule échaudée par le discours du marquis, les marins s'étaient retrouvés sur les quais afin de reprendre leur poste. Or, ils avaient aperçu certains de leurs collègues discuter avec James de Rochester qui, selon bon nombre d'entre eux, était devenu depuis peu leur ennemi.

Dès que ce dernier fut parti, les marins favorables à l'Élite s'étaient rués sur les autres et un combat sanglant s'était engagé. L'un des hommes n'étant plus maître de lui-même, avait fini par sortir un couteau. Dans sa tentative de défense, il était parvenu à blesser deux assaillants et à en tuer un troisième. Suite à cet incident, le Baron avait été averti de l'affaire et s'était empressé de rejoindre la mairie.

Alexander annonça à Ambre que ce fâcheux événement pouvait se révéler désastreux pour son image ainsi que pour la sécurité des villes. La jeune femme acquiesça et lui parla de son altercation avec Maspero-Gavard ainsi que de sa rencontre avec le marquis Desrosiers. Elle lui relata le climat tendu lors du discours haineux prononcé par la hyène Muffart à l'encontre des partisans de l'Alliance.

— Muffart n'est pas une hyène, répliqua-t-il après avoir bu une gorgée, c'est un vautour, un charognard et un opportuniste, prêt à tout pour avoir un os à ronger. Non, mademoiselle, la Hyène est plus noble, plus respectable et surtout nettement plus dangereuse.

— Qu'y est-elle ? s'enquit Ambre, surprise de voir le Baron désigner, lui aussi, les aranéens avec un titre animalier.

Il eut un rictus, reposa son verre et joignit ses mains sur le bureau. Puis il regarda en direction de la tapisserie murale dont le halo de lumière faisait briller les fils argentés des yeux d'Alfadir et les fils dorés de Jörmungand.

— La personne qui dans l'ombre semble tirer quelques ficelles du territoire. Ce n'est pas une personnalité des plus influentes, mais elle a encore assez de poids pour pouvoir imposer sa volonté et surtout protéger sa progéniture.

— Vous parlez d'Irène von Hauzen, c'est bien cela ?

— C'est exact.

— Pensez-vous qu'elle pourrait vous nuire ?

— Non, au contraire, et sa volonté d'union avec Mantis le prouve, car ce n'est certainement pas un mariage d'amour, surtout au vu de l'effroyable personne qu'est Wolfgang. Je ne sais pas ce qu'elle manigance mais elle semble favorable à ma cause pour avoir osé envisager une union avec lui. Sa prise de parti pouvant être également dû au fait que sa fille Meredith choisisse le jeune de Lussac en amant. Cela leur laisse deux familles partisanes puissantes pour leur permettre d'exister et de vivre dignement.

Norden AnthologieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant