— Tu es vraiment sûr de toi ?
Présente sur une chaise à côté de son époux, Erevan touillait machinalement son infusion de plantes relaxantes. Jörmungand relisait une énième fois le contrat ainsi que l'invitation qu'il venait de rédiger tandis que les deux filles s'amusaient dans la chambre.
— Je ne vois pas d'autres solutions, hélas. Si je m'engage à récupérer moi-même Hrafn sans exiger de culte à mon nom ou de tribu, je pense qu'Alfadir me laissera quand même le soin de fonder une famille avec toi. Bien sûr, il ne faudra surtout pas l'avertir que toi et moi avons déjà deux enfants car je ne saurais imaginer le sort qui leur serait réservé si jamais il refuse.
— Tu crois qu'il serait prêt à céder ? À honorer ce contrat ? demanda-t-elle, les yeux brillants par l'émotion.
— Je n'en sais rien ma chère, je l'espère sincèrement. Selon ta mère, le Cerf désespère. Il sait que son fils est captif sur Pandreden, sur Providence plus précisément, mais les espions qu'il emploie ne parviennent pas à retrouver la piste de son lieu de captivité. Alors que moi je dispose d'un allié potentiel, un atout incroyablement efficace et qui me doit une fière chandelle.
— Qui donc ?
— Adam.
— La Licorne ?
— Oui... après tout, j'ai sauvé son peuple en permettant aux aranéens d'accoster sur l'île. La Licorne est un être juste. Il est loyal et réfléchi, je pense qu'il ne sera pas compliqué de m'allier avec lui pour retrouver Hrafn. Même s'il devra affronter son frère Adler pour y parvenir. C'est un gros risque mais il le prendra à coup sûr.
— Comment comptes-tu procéder ?
— Je vais tenter d'appâter Alfadir dans mon fief puis entretiendrai cette discussion seul à seul.
— Non, je reste avec toi !
— Il n'en est pas question !
— Si ! je reste ! Tu auras besoin de soutien pour l'affronter, je ne veux pas qu'il te manipule !
— C'est trop dangereux !
— Tu vas m'en empêcher peut-être ? s'indigna-t-elle en posant sur lui un doigt accusateur. Je ne te laisse pas tout seul ! Je tiens à le voir et n'oublie pas que j'ai moi aussi des comptes à régler auprès de lui !
Il fit la moue et soupira.
— Et pour nos filles ? Tu comptes les laisser seules ?
— Je les laisserai à mon frère. Je suis sûre qu'Heifir et Suzanne seront ravis de s'occuper de leurs nièces.
Jörmungand prit une profonde inspiration puis expira longuement. Erevan se redressa pour s'installer sur ses genoux et l'enlacer.
— Je vois bien que tu as peur. Moi aussi j'ai peur, avoua-t-elle en enfouissant sa tête contre sa nuque.
***
Comme convenu, les deux amants patientaient sur la plage en cette matinée du neuf octobre. Le temps était voilé, le paysage noyé sous un amas de gris délavé, et la forte houle se fracassait avec panache contre les gros rochers noirs aux formes saillantes. Irène et Hélène étaient chez leur oncle tandis que Medreva s'était réfugiée chez Aorcha.
C'était elle qui était allée prévenir le Cerf d'un tel rendez-vous. Elle qui, lorsqu'elle avait apporté la missive à son Aràn, à son sanctuaire d'Oraden, avait essuyé son courroux. Sidérée, elle n'avait pu se résoudre à assister à cette entrevue, ayant trouvé refuge chez son ex-mari une fois la réponse rapportée à Jörmungand. Le Serpent, très digne bien que nerveux, lui avait confiée les deux petites qui s'en étaient allées en pleurant, tristes d'être séparées de leurs parents l'espace d'une poignée de jours.
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Norden Anthologie
غموض / إثارةIl est sur Norden des êtres capables de se transformer en animal une fois adultes, les noréens. Ces derniers cohabitent depuis 300 ans avec les aranéens, un peuple civilisé aux fondements sociétaux et principes moraux opposés. Dans ce contexte, Ambr...