La reine de coeur et le roi de trèfle

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Le bruit des vagues s'échouant contre les galets était reposant. Des mouettes emportées par la brise volaient paisiblement dans le ciel sans nuage où l'astre au zénith baignait Norden de ses rayons dorés. Ambre dormait profondément, la tête appuyée contre l'épaule du Baron qui l'encerclait de ses bras, une main posée sur son ventre dénudé.

Cela faisait deux heures qu'ils demeuraient allongés sur le sable, épuisés par cette courte nuit ainsi que par une étreinte langoureuse qui dura un moment où il découvrit le corps de sa petite proie sous la lumière du jour. La demoiselle, avide de retrouver le contact d'un corps viril contre le sien, s'était laissée explorer, pour le plus grand plaisir de cet homme si inespérément chanceux.

Il regarda le ciel puis déposa un baiser sur le cou de sa protégée et la réveilla calmement.

— Il est l'heure de rentrer, murmura-t-il à son oreille.

Elle ouvrit les yeux, encore dans les vapes, puis étira ses membres. Elle se releva et passa une main sur ses joues chiffonnées par le tissu.

— Mademoiselle semble avoir bien dormi.

— Quelle heure est-il ? demanda-t-elle, groggy.

— Pas loin de treize heures, je suppose.

Elle reboutonna sa chemise, remit son pantalon puis se dirigea vers la mer afin de s'asperger le visage. L'eau glacée lui donna un coup de fouet qui la réveilla instantanément. Elle fit demi-tour et alla rejoindre Alexander qui tenait les chevaux et l'aida à se hisser sur le destrier. Ils repartirent en direction du manoir.

En chemin, Ambre regardait le paysage, se laissant bercer par la beauté de cette nature sauvage et le silence ambiant où seul le bruit régulier des sabots ferrés claquant contre le sol rocailleux résonnait. Alexander ralentit le pas et se positionna auprès d'elle.

— Que dirais-tu de dîner en extérieur ce soir ? Uniquement toi et moi. Je connais un excellent endroit où nous pourrons nous amuser et où la nourriture y est succulente.

Il passa une main dans son dos et la caressa tout en regardant droit devant lui. Elle le dévisagea, sceptique.

— Laissez-moi deviner, je présume qu'il s'agit d'un somptueux domaine où tout est absolument magnifique, au point que moi, petite noréenne de basse classe que je suis, m'y sentirai comme un poisson dans l'eau ?

— C'est effectivement comme ça que nous pourrions qualifier la Belle Époque, bien que tu ais oublié de mentionner l'amabilité de la clientèle qui se trouvera là-bas.

Il lâcha les rênes, laissant son cheval marcher d'un pas traînant. Montaigne s'ébroua et baissa la tête, les oreilles orientées vers l'avant. Ambre fit de même avec Balthazar et attacha les brides à la selle.

— Vous pensez vraiment que ce soit raisonnable ? La provocation risque d'être virulente.

— Oh ! je ne m'en fais pas trop pour cela ! Il est vrai que les vipères seront de sortie et j'espère qu'elles seront là ! L'idée d'aller les aguicher en ta compagnie est assez alléchante. Mais je n'y vais pas pour cela principalement.

— Et vous venez de décider cela à l'instant, sur un coup de tête ? Ou le fait de vous sentir soudainement plus léger vient de vous faire pousser des ailes ?

Alexander réprima un rire.

— La deuxième est fort probable, quant à la première, sache que je chéris depuis longtemps l'idée de me rendre là-bas avec toi à mes côtés. C'était d'ailleurs mon intention principale hier. Je voulais te tester afin de savoir si tu étais capable de passer un moment aussi près de ma personne et t'annoncer mon verdict après notre session qui, comme tu le sais, a subi quelques petits imprévus.

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