La glorieuse fête de l'Alliance

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— Arrêtez de bouger maître ! lança Emma après un soupir d'exaspération. Je ne parviendrai jamais à vous attacher cette cravate si vous gigotez sans cesse !

Les sourcils froncés et le visage grimaçant, elle tentait de préparer le marquis comme il se devait pour célébrer ce jour si particulier, pestant de ne pas parvenir à nouer cette « saloperie de cravate » sur laquelle elle s'acharnait depuis plusieurs minutes sans réel succès. Le jeune marquis se tenait debout et triturait anxieusement ses doigts, remuant sa tête de gauche à droite.

— T'en as encore pour longtemps ? fit-il en regardant l'horloge. Les invités doivent presque tous être arrivés ! Magne-toi un peu s'il te plaît !

Elle s'arrêta et le darda d'un regard noir.

— Oh, mais quel culot dis donc ! Si monsieur était rentré plus tôt et n'avait pas passé son après-midi à copuler, il serait déjà prêt depuis bien longtemps ! En plus je suis attendue au service, cela doit faire bien vingt minutes qu'on m'attend en bas.

— Ne manque pas de respect à ton maître ! s'énerva-t-il en la toisant avec sévérité. Et je te signale que j'ai passé la journée à la mairie aux côtés du maire afin de préparer le discours de ce soir. Je suis fatigué et stressé et te voir me parler ainsi me donne envie de te ficher une raclée bien méritée. Et si tu continues à agir de la sorte, crois-moi Emma, je demanderai à mon père de te ficher dehors ! Je ne sais pas ce que tu as, mais tu commences à dépasser les bornes ces derniers temps !

La jeune femme fit une moue mais ne rétorqua rien. Ne souhaitant pas essuyer de remarques quant à son comportement auprès du marquis père, elle baissa la tête et s'excusa à mi-voix. Puis, terrorisée à l'idée d'être congédiée alors qu'elle ne possédait ni logement ni famille ni fortune et que trouver un travail bien rémunéré dans les temps actuels se révélait extrêmement compliqué, elle hoqueta et commença à sangloter. Voyant qu'il était inutile de se défouler sur elle, Théodore glissa un doigt sous son menton et la fit le contempler droit dans les yeux.

— Calme-toi Emma, dit-il d'une voix radoucie, je ne compte pas te mettre à la porte. Mais franchement arrête de toujours outrepasser les limites ! Reste à ta place, fais ce que je t'ordonne et tout se passera bien. C'est d'accord ?

— Ou... oui maître, renifla-t-elle, je vous promets de ne plus vous manquer de respect.

— Maintenant ressaisis-toi, finis de me nouer cette cravate et après tu es libre de rejoindre les autres en bas pour entamer ton service.

Elle passa une main sur ses yeux rougis et termina sa tâche. Lorsque le nœud fut enfin noué, il la congédia, se parfuma puis alla s'observer devant le miroir de plain-pied. Il se trouvait incroyablement élégant avec ce gilet noir cintré qu'il avait enfilé par-dessus cette chemise liliale tout juste repassée. Son pantalon sombre et moulant descendait jusqu'à ses souliers vernis offerts par son père spécialement pour cette occasion. Dans un souci du détail, il avait soigneusement plaqué ses cheveux sur le côté et lustré ses lunettes afin de mettre en valeur ses yeux de jade.

Une dizaine de minutes plus tard, il descendit les escaliers du hall puis prit la direction du grand salon où la salle était comble, comportant une centaine d'invités. La plupart des convives était d'origine aranéenne et provenait d'un milieu aisé. Il salua l'assemblée et fut salué en retour, affichant un sourire faux qui dévoilait l'intégralité de ses dents blanches tout juste brossées pour leur donner un éclat coruscant. Ce soir, il espérait attraper quelque oiselle qui se laisserait volontiers charmer par ce marquis à la fortune notable et au poste convoité.

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