Deus ex machina

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Le marquis n'eut pas le temps de viser sa tempe qu'un immense loup s'abattit sur lui et le plaqua au sol quelques mètres plus loin, le propulsant avec une force irréelle qui lui broya les côtes, allant jusqu'à percer sa cage thoracique. D'un geste vif, la créature aux yeux infernaux déploya sa gueule béante et planta ses crocs dans sa cuisse qu'elle arracha d'un seul claquement de mâchoire, déversant une large gerbe de sang. Le souffle coupé, le corps traversé par des spasmes aigus, Alastair toisa l'animal qui se dressait au-dessus de lui puis succomba de ses blessures.

L'assemblée se trouva sidérée devant cet assaut soudain qui donna lieu à un spectacle macabre dont nul n'avait imaginé le dénouement ; ce loup monstrueux avait paru telle une force divine visant à punir les belligérants pour leurs actions de rébellions.

Saùr montra les crocs et grogna. Affamé par cette interminable traversée, il avança sa tête vers sa proie afin de s'en délecter mais se ravisa aussitôt et sauta sur le promontoire, juste à côté du Baron. Il plaqua contre lui son énorme masse grise, enroulant sa queue autour de sa personne. Alexander n'osa bouger et se laissa envelopper par cet amas de poils hirsutes à l'odeur abominable de sueur et de charogne. Il sentait la chaleur bouillonnante dégagée par l'animal ainsi que les battements ardents de son cœur, si rapides et puissants. Impassible, le poitrail gonflé pour imposer sa dominance, le Berserk dardait de ses yeux d'or la foule pétrifiée, terrifiée à l'idée de subir le courroux de la bête abominable.

Pendant que le loup protégeait le Baron, la dépouille d'Alastair fut transportée par ses hommes et conduite à l'infirmerie de la mairie, à l'abri des regards indiscrets. Son sang giclait à flot, se répandant sur le sol humide, ne laissant plus qu'une carcasse blanche. Dieter resta interdit, son esprit ne pouvant réaliser ce qui venait de se produire. Il gisait debout, les yeux écarquillés et les mains tremblantes. Le sentant défaillir, Lucius le retint par le bras et se proposa de l'escorter à l'intérieur de l'édifice, ce qu'il déclina, souhaitant rester digne devant ses adversaires et surtout masquer son désarroi face à cette tragédie. Léandre et Éric, quant à eux, perdirent toute contenance et se recroquevillaient sur eux-mêmes pour éviter de subir le même destin funeste que celui de leur allié.

Un silence lourd et pesant régna. Soudain, le sol se mit à trembler et tous détournèrent leur regard du Berserk pour venir observer une des avenues où un taureau en pleine charge ainsi que deux chevaux arrivaient au galop, engagés dans une cavalcade ensauvagée. Skand et Sonjà arrêtèrent leurs montures, imités par un homme que personne n'avait encore jusque là aperçu sur ce territoire ; le chef de la tribu des Ulfarks, Fenri, un très grand homme de carrure musclée dont la peau charbonneuse se voyait ornée de tatouages runiques qui s'étendaient jusqu'à son crâne rasé, hissé sur un gigantesque taureau noir aux yeux ambrés. Les trois cavaliers se déployèrent autour de la place, bousculant sans scrupule les citoyens.

Les montures marchaient au pas et renâclaient. Théodore se tenait derrière Skand, encore confus devant les événements dont il venait d'être témoin. Où, alors qu'il se rendait à Iriden en compagnie de la Svingars et du Korpr, ils avaient croisé le loup ainsi que le cavalier Ulfarks.

L'assemblée contemplait ces visions irréelles, frappée d'effroi et d'incompréhension. Après avoir regagné une partie de sa lucidité et s'armant de courage pour affronter le bourreau de son fils, Dieter se défit de Lucius et monta sur l'estrade pour venir se poster juste à côté du Berserk dont il ne pouvait croiser le regard. Désireux d'en apprendre davantage sur les motivations de leurs assaillants, il ne prononçait rien et étudiait en silence le spectacle qui se dressait devant son fief.

Au bout d'un temps, un silence sacral s'instaura et les gens furent envahis d'un étrange sentiment d'apaisement. Une sensation de sérénité immédiate, fort inhabituelle au milieu d'un tel chaos. Puis, un bruit régulier et lent de sabot résonna et une créature, plus imposante encore que le taureau, apparut sous le regard ébahi des citoyens. Le Hjarta Aràn avançait sur la place, le port altier malgré une démarche chancelante due à une patte arrière boitillante. À la vue du Aràn, des noréens finirent par se prosterner.

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