La petite proie

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Ambre dormait lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit avec fracas. Elle sursauta et sentit une lourde pression se plaquer contre elle, manquant de l'étouffer.

— Joyeux anniversaire ma grande sœur chérie ! hurla Adèle, dont la voix aiguë venait potentiellement de réveiller tout le manoir.

L'aînée ouvrit un œil et regarda son réveil, les aiguilles indiquaient à peine sept heures.

— Pourquoi me réveilles-tu aussi tôt ! ronchonna-t-elle après un bâillement.

— Je pars à l'école dans quelques minutes, je ne pouvais pas partir sans t'offrir ton cadeau !

Surexcitée, la fillette l'enlaça de toutes ses forces et nicha sa tête contre son cou, la couvrant de baisers. Puis elle défit son étreinte et lui tendit une petite boîte joliment enrubannée, décorée de motifs d'entrelacs.

— Ouvre ! trépigna-t-elle en guettant sa réaction.

Ambre ôta l'emballage, découvrant une épaisse paire de gants en laine gris clair qu'elle enfila. La texture était douce et paraissait de mise en ce début d'automne.

— Ils sont magnifiques ! répondit-elle avec franchise.

— C'est la maman de Ferdinand qui me les a recommandés. Du coup, je t'en ai pris une paire et aussi une autre pour moi, comme ça on aura les mêmes ! Sauf que les miens sont bleus et...

Sa phrase inachevée, Adèle baissa la tête et fit la moue.

— Qu'y a-t-il ma Mouette ?

— Tu ne vas pas te transformer, hein ? demanda-t-elle d'une petite voix trahissant son chagrin.

Choquée par cette prise de conscience brutale, l'aînée ne répondit pas immédiatement ; elle était majeure dorénavant, capable de se métamorphoser en chat viverrin et de poursuivre sa vie sous cette forme si elle le désirait.

— Ne t'inquiètes pas, ce ne sera pas pour tout de suite. Je ne compte pas t'abandonner si facilement ma Mouette.

Elle était sincère dans ses propos, elle qui, moins d'un an auparavant aurait tout donné pour pouvoir user de cette chance inouïe. Or, elle appréciait sa nouvelle vie, étant parvenue à trouver un équilibre, au point que l'idée ne lui avait plus traversé l'esprit ces derniers mois. Désormais, elle se focalisait sur son implication en politique et l'importance que monsieur le maire portait à son égard la satisfaisait autant qu'elle la perturbait.

— Tu me promets ?

— Promis, ma petite Mouette. Au pire, ça te fera un nouveau chat pour jouer avec toi !

Adèle gloussa puis, ne souhaitant pas être en retard à l'école, courut en direction de la porte. Avant de sortir, elle lança à la volée :

— On jouera ensemble ce soir ?

Ambre acquiesça, un large sourire aux lèvres en entendant sa sœur dévaler en trombe les marches de l'escalier. Se retrouvant seule, la jeune femme pouffa.

C'est vrai que je peux me transformer maintenant. Ça fait vraiment bizarre. Je ne sais pas si c'est dû à l'excitation, mais je me sens comme changée, plus mature... plus femme !

Le cœur battant avec vigueur, elle se leva en hâte pour contempler son reflet dans le miroir. Sa chemise de nuit ôtée, elle observa sous divers angles son corps pâle tacheté de grains de beauté et s'attarda sur sa silhouette tout en courbes, palpant ses seins fermes ainsi que son ventre charnu. Ses traits étaient redevenus sinueux, à son grand soulagement, heureuse d'avoir repris de la chair depuis sa période de troubles qui l'avait amaigrie. Même son visage constellé d'éphélides avait repris des rondeurs, masquant légèrement la cicatrice assez nette qui entaillait sa joue, héritage de la chevalière du Duc.

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