Chapitre 7, partie 2 : La Fin du Début...

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            Le silence s'installa entre les deux hommes. Pour une raison qui lui échappait totalement, Vellocastus faisait tout de même confiance à ce chevalier qu'il connaissait à peine. Il ne remettait nullement en cause les talents de ce-dernier au combat, non, mais le fait de savoir qu'autant de monde aient été tué en essayant de stopper cette sorcière, n'était pas pour le rassurer.

Pourtant, le sergent voyait... Non. Ressentait quelque chose émanant du chevalier. Quelque chose d'indescriptible. Ce n'était ni de la haine, ni de la colère. Ni de l'arrogance. Il n'avait pas de mot pour décrire cela. Mais il savait, au plus profond de lui, que ce chevalier, ce Cador Brycham, était un homme que l'on pouvait suivre au combat, les yeux fermés. C'était un véritable guerrier du genre humain. Peu importait que l'on soit impérial, ou d'une autre nation humaine, il protégerait tous les humains des dangers auxquels ils sont exposés.

Le sergent observa très attentivement ce chevalier, assis sur un vieux fauteuil aux couleurs passées, pensif. Cador avait les yeux perdu dans le vague. Ses yeux bleu-gris reflétait quelque chose de bon de son âme. Il paraissait juste, mais dur. Dur, avec les autres, mais aussi avec lui-même. Peut être même plus avec sa propre personne. Les longs cheveux bruns, qu'il portait totalement décoiffés, venaient cacher une partie de son visage. La carrure du chevalier, que l'on pouvait, tout juste, deviné sous les amples vêtements, était assez impressionnante. Cet homme avait vu plus que son lot de combats, à n'en pas douter.

Mais le sergent revenait toujours aux yeux du chevalier. Des yeux si tristes, si durs.

Peut être que le mot qu'il recherchait était noblesse, tout simplement.

Le chevalier reprit la parole, arrachant Vellocastus à ses pensées.

"Je me pose la question : comment la sorcière a-t'elle pu avoir une telle influence, sur autant de monde, en si peu de temps ?

- Que voulez-vous dire ?

- Elle n'est arrivée en ville, que quelques heures avant moi. Pourtant, elle a été reçue directement par le baron, n'est-ce pas ?

- Si fait, acquiesça le sergent.

- Serait-elle déjà venue ici auparavant ? Ou bien, a-t'elle quelques disciples déjà infiltrés dans la place ?

-Pour être très honnête, je n'en sais absolument rien. Tout ce que je sais, c'est que le baron actuel est un homme très dangereux et qu'il ne nous porte pas vraiment dans son cœur.

- Que voulez-vous dire ?

- Depuis son accession à l'office de son père, Von Hilden fils n'a fait que nous reléguer à l'arrière-plan, diminuant nos soldes et les finances pour l'entretien du matériel et la fabrication de matériel neuf. Par contre, il a toujours assez de finances pour entretenir la plus grande armée de mercenaires que je n'ai jamais vu. Et le pire, dans tout ça, c'est que l'on ne sait même pas pourquoi il nous hait comme ça !

- Intéressant... (Cador posa sa tête dans ses mains, en proie à une intense réflexion). Peut-être est-il aussi coupable que la sorcière. Peut-être n'est-il pas un pantin sans volonté, mais un des disciples de la sorcière. Qui sait ? J'en saurais plus lorsque je le verrai."

Puis, Cador et Vellocastus discutèrent un peu de leurs souvenirs de la Grande Guerre des Sorciers, des batailles et des camarades disparus, qu'ils ont connus. Puis ils allèrent prendre un peu de repos. La journée avait été éprouvante et riche en émotions.

Alors qu'il prenait ses aises du mieux qu'il le pouvait sur son fauteuil, déjà passé par les ans, Cador repensa aux dernières paroles de Dancionnos. Certes, le jeune Adiscius avait survécu à sa blessure et n'était pas devenu un monstre de la non-vie, mais quelque chose ne collait pas. Le chevalier avait vu cette ombre entourer le corps du jeune garçon, alors qu'il agonisait. Sa blessure, pourtant mortelle, n'est devenue que superficielle après coup. Que voulait dire Dancionnos, concernant le garçon ? Quelle était cette ombre ? Quelque chose de maléfique, à coup sûr. Dancionnos n'avait été qu'un pion. Certes. Mais dans quel but ? Le ralentir dans sa traque ? Ou bien pour autre chose ?

Tant de questions. et aucune réponse.

Pour avoir chassé plusieurs sorciers dans sa vie de chevalier de l'Ordre, Cador savait, d'expérience, que ces-derniers ne laissaient jamais rien au hasard. Si la sorcière était venue dans cette ville, c'est qu'elle devait avoir une très bonne raison de le faire. Très certainement pas pour se cacher. Il y avait de bien meilleurs endroits pour cela. Alors quoi ?

Il fallait découvrir pourquoi, la sorcière était-elle arrivée ici. Et pourquoi ces-derniers évènements étaient-ils survenus ?

Découvrir ce "pourquoi" était extrêmement important aux yeux de Cador. Sans la réponse à ces questions, tuer la sorcière ne servirait peut être à rien. Elle pourrait même vaincre le chevalier, de façon post-mortem, par l'accomplissement de ses objectifs cachés.

Il fallait donc découvrir la raison de la venue de la sorcière à Gervalburg et tuer le projet dans l'œuf, quel qu'il soit.

Mais pour y parvenir, ils va leur falloir emprunter les tunnels qui ont coûté la vie aux compagnons de Dancionnos. A court terme, c'était ce qui tracassait le plus le chevalier. Il ne souhaitait pas perdre la jeune Lohrâ. Elle avait beaucoup de potentiel et quelque chose en plus. Cador ne saurait dire quoi, exactement, mais ce petit quelque chose pourrait faire toute la différence devant le triumvirat. Il devait, par conséquent, l'emmener à la capitale et la présenter devant les grands maîtres de l'Ordre.

Cador finit par sombrer dans un sommeil profond. Conservant, instinctivement, tous ses sens magiques en alerte. Prêt à sortir l'épée du fourreau à la moindre perception de danger.

Pourtant, ce fut le sergent Vellocastus qui le réveilla au petit matin. Le roi des Petits Rats souhaitait leur parler. Le chevalier acquiesça. Il s'étira en se levant du fauteuil, fort peu confortable, où il avait passé le reste de la nuit. Puis, ils se rendirent, Cador et le sergent, à l'étage du-dessous, dans le hall du donjon. Laissant Lohrâ seule dans la chambre, puisqu'elle dormait toujours à poings fermés.

Arrivés en-bas, ils ne trouvèrent personne. Du moins, personne de vivant dans le hall, car celui-ci était encore plein des corps sans vie de la population massacrée. Personne n'était encore venu emmener les corps pour un dernier office et un enterrement qui apaiseraient leur âme.

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L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant