L'écho résonna longuement dans les airs, comme pour bien marquer qu'il s'agissait de son dernier tir. Celui, qu'il ne devait surtout pas rater, car, le chevalier ne se sentait plus la force de continuer le combat, de manière plus appuyée, comme ce fut le cas, jusqu'à présent.
Sous la puissance du coup, la sorcière recula, chancelante, de quelques pas. Elle avait ramené son bras, à l'endroit où la balle avait frappé. Puis, elle s'arrêta, toujours pliée en deux.
Cador s'autorisa un petit sourire de satisfaction. Enfin ! Il avait réussi ! Il était parvenu à blesser mortellement la sorcière. Ce combat prenait fin maintenant, avec sa victoire. Il ne lui restait plus qu'à donner le coup de grâce, puis à faire stopper cette pluie maudite qui permettait aux morts de marcher à nouveau.
Mais, quelque chose le stoppa net Cador hésita : il y avait un truc qui ne tournait pas rond.
La sorcière se tenait toujours debout, mais aucune goutte de sang ne perlait de sa blessure. Puis, elle se mit à rire, d'abord d'un petit gloussement, puis son rire devint de plus en plus fort. Pour finir, la sorcière se releva, un grand sourire aux lèvres. Interloqué, Cador ne comprenait rien à ce qu'il se passait.
Continuant d'arborer son grand sourire, la sorcière présenta sa main, paume tournée vers le ciel, à Cador. Dans le creux, se trouvait la balle, déformée par l'impact, de Cador.
Quant à sa poitrine, elle était intacte. Le dernier tir du chevalier avait raté. Cador en restait perplexe.
« Mon ultime mur de magie, très cher ami (expliqua la sorcière). Ma spécialité. Je suis bien plus puissante que la dernière fois où nous nous sommes affrontés, sais-tu ?
- Si j'avais su tout ce que tu ferais par la suite, je n'aurai eu aucune pitié ce jour-là !
- Pourtant, tu ne l'as pas fait. Et qui te dit que c'est moi qui fait le mal ?
- Es tu sérieuse ? Tu tues en masse les habitants de cette cité et tu oses me dire que tu n'es pas aussi mauvaise que cela (Cador pointa un doigt accusateur en direction de la sorcière) ? Tu as trahi ton serment, ton engagement envers l'Ordre et moi. Tu as instillé le doute dans l'esprit de mon apprenti. La sentence est sans appel : tu es condamnée à mort. »
Sur ces mots, prononcés sur un ton des plus grave, le chevalier se stabilisa sur ses jambes, du mieux qu'il le put. Puis il chargea à nouveau, tête baissée. Sa lame vint croiser celle de son ennemie. Et le ballet mortel reprit. Seule sa rage permettait à Cador de pouvoir tenir encore debout, tout en menant un combat titanesque.
La fureur du chevalier était telle, que la sorcière eut, plusieurs fois, à parer in extremis une lame qui, autrement, l'aurait terrassée, à coup sûr. Comme un animal blessé et acculé, Cador restait extrêmement dangereux.
« Cador, je t'en prie, héla soudain la sorcière ! Cessons ce combat stérile ! Nous voulons tous deux la même chose. Nos méthodes divergent, mais l'objectif final reste le même. Nous sommes toujours des alliés.
- Tu plaisantes j'espère ?
- Ouvres les yeux ! Ça n'est pas moi la traîtresse dans l'histoire. A qui profite le crime ? Toi-même me l'a appris, autrefois.
- Assez, hurla Cador ! »
Jusqu'alors, toujours inconsciente, Lohrâ ouvrit difficilement les yeux. La jeune fille se sentait très faible et nauséeuse. Souhaitant se relever, une sensation de douleur atroce la stoppa dans son élan. Baissant les yeux vers son ventre, elle vit l'étrange morceau de métal argenté, enfoncé dans sa chair. Elle posa la main sur la garde du poignard, mais, son simple contact, la brûla aussitôt.
La petite fille se mit, alors, à pleurer à chaudes larmes. Tant pour la douleur ressentie, que pour le fait de savoir que c'était la fin pour elle. Elle allait mourir, c'était certain maintenant. Pendant quelques jours, au contact du chevalier Brycham, du sergent Vellocastus et de l'ancien voltigeur Cherche-chemin, elle avait cru avoir trouvé là, une chance d'échapper à la misère et de devenir quelqu'un. Qu'enfin, la chance allait tourner.
Hélas, à seulement huit ans, elle allait être assassinée, en tant qu'ingrédient pour un sortilège de mort de masse.
Alors que le désespoir l'envahissait totalement, une image se fit jour dans son esprit. Une image qui balaya d'un coup ce désespoir.
Elle revit Cador, Vellocastus et Cherche-chemin. Les trois hommes se battant avec fierté et force. Protégeant les plus faibles et les plus démunis, des menaces insidieuses des Terres des Sorciers. Elle vit ces trois rudes gaillards affronter des créatures autrement plus fortes qu'eux, sans faillir pour autant. Tenant tête à toutes les sortes de monstres existant sur cette terre.
Lohrâ fut prise d'un sentiment de honte. Elle n'allait pas abandonner comme ça. Elle allait s'en sortir. Elle n'allait pas mourir ainsi. Pas maintenant. Elle ferait honneur à ses trois nouveaux amis adultes.
La petite fille posa, à nouveau, la main sur la garde du poignard. Le contact était toujours aussi brûlant. Pourtant, elle ne hurla pas, retenant même ses larmes d'enfant couler, le long de ses joues. Tirant de toutes ses forces, Lohrâ eut à se battre contre le poignard, qui semblait doué d'une vie propre, car elle avait l'impression qu'il cherchait à rester enfoncé en elle, lui suçant autant de sang que possible. La petite fille ferma les yeux, se concentrant plus facilement ainsi. Elle usa de magie pour faire lâcher prise au stylet ensorcelé. Elle appelait la magie naturellement, sans aucune aide extérieure.
Parvenant à juguler la douleur, dans un premier temps, elle parvint à la faire disparaître. Puis, se concentrant toujours plus, grimaçant de douleur sous l'effort, Lohrâ réussit à s'enlever le stylet de sa poitrine. Une petite giclée de sang perla de la blessure.
Toutefois, sous l'effort, la jeune fille avait fait appel à tant de magie protectrice, que cette-dernière forma comme un cocon protecteur autour d'elle. Faisant miroiter l'air autour de Lohrâ. Guérissant ses blessures.
Lorsque Lohrâ était parvenue à retirer le stylet maudit, le lien magique, liant ses forces vitales au rituel de la sorcière, se rompit. Aussitôt, la pluie infernale cessa. Dès lors, partout en ville, les morts ne pouvaient plus se relever, et reprendre l'œuvre de carnage, qu'il leur fut ordonné par la sorcière. Ceux des vectitöden encore debout, continuèrent le combat, mais sans l'énergie magique apportée par les gouttes de la pluie maléfique, ils n'étaient plus aussi véloces que quelques instants auparavant. Leurs attaques étaient également moins précises, et bien plus confuses.
Lohrâ tourna la tête vers les bruits, furieux, d'épées s'entrechoquant. Elle vit alors Cador aux prises avec la belle femme brune, qui n'était autre que la fameuse sorcière dont parlait le chevalier depuis leur rencontre. Ils se battaient à mort, échangeant de terribles et dévastateurs coups d'épées.
Toujours assise au sol, Lohrâ se retourna sur le ventre, grimaçant légèrement, comme sa blessure à la poitrine la tira. S'aidant de ses bras pour se relever, tant bien que mal, la jeune fille tituba vers le combat. La tête lui tourna. Elle posa, difficilement, un pied devant l'autre. Chaque pas était plus difficile que le précédent. Ramenant sa main à sa ceinture, elle sentit le manche du poignard d'argent que lui avait offert le Roi des Petits Rats. Comment était-il arrivé là ? Elle était certaine de l'avoir perdu pourtant.
Confuse, la jeune fille s'en saisit pourtant et s'élança droit devant elle.
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L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ -Récit terminé -
FantastiqueAprès leur défaite, sorciers et guerriers Déchus sont retournés panser leurs plaies dans leur lointain pays. Ruminant leur défaite. Préparant leur retour sanglant. Toutefois, certains d'entre eux sont restés au sein de l'Empire, préparant le terrain...