Chapitre 16, partie 2 : De Vieux Sergent

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            Cador et Cherche-chemin allèrent directement au messe des sous-officiers. Les deux mercenaires leur emboîtant le pas, sans les lâcher d'une seule semelle. Là, ils trouvèrent un Vellocastus trinquant avec d'autres sergents. Les couleurs de leurs uniformes informaient qu'ils servaient tous des régiments différents, bien que le jaune de la cité se retrouve sur chacun. Cependant, il ne faisait aucun doute que tous appartenaient aux Forces Régulières.

Le réfectoire était assez grand pour accueillir une centaine de personnes en même temps, disposées autour de tables rectangulaires, sans nappes. Les seules décorations aux murs étaient les étendards des régiments affectés à la garde du château, ainsi que quelques trophées de guerres précédentes. Cherche-chemin reconnut un étendard à crânes de la Terrible Légion, une formation de Déchus uniquement composée d'anciens impériaux ayant trahis leurs semblables.

Pourtant, Il n'y avait pas grand monde dans la pièce. Donnant une impression de vide considérable, même si Cador estima qu'il devait s'y trouver une bonne trentaine de personne.

Attablés avec Vellocastus, se trouvaient sept autres sergents, tous aussi braillards et guillerets que lui. Alors que, dans un coin éloigné de la pièce, une dizaine d'autres sous-officiers lançaient des regards en coin et meurtriers aux sergents. Apparemment, ceux-là étaient des mercenaires. Cador en fut certain dès qu'il reconnut les tenues de la Compagnie Blanche. Décidément, ils étaient partout, se dit le chevalier.

Relevant la tête, Vellocastus remarqua l'arrivée de ces deux compagnons et, s'excusa auprès des autres sergents, puis se leva pour aller les rejoindre, un grand sourire aux lèvres

Arrivé à leur hauteur, il leur serra le bras d'une poigne d'acier.

Laquelle lui fut rendu. Cador finit même par lui sourire.

Puis, le chevalier demanda aux deux mercenaires des les laisser seuls avec ses compagnons.

Ayant vu qu'ils n'étaient pas les seuls hommes de la Compagnie Blanche ici, les deux mercenaires acquiescèrent, avant d'aller vers la table où se trouvaient déjà leurs camarades.

Les trois compagnons, quant à eux, rejoignirent la table des sergents, où ils furent accueillis par des hochement de têtes et des sourires confiants de la part des vétérans.

" Chevalier, voltigeur, laissez-moi vous présenter à cette assemblée de vieilles canailles galonnées !"

Le sergent fit donc les présentations.

Il y avait, en partant de la gauche de Vellocastus, le sergent Fusch, un grand blond du troisième régiment de hallebardiers, les sergents Gastoscius, deux frères jumeaux, des Arbalètes Noires, le sergent Niccos du dix-huitième lanciers, les sergents Fratos et Hélosios du treizième mousquet et enfin, un homme tellement vieux qu'il aurait dût être à la retraite depuis plusieurs années déjà, le doyen-sergent Armnios de la Garde de la Poterne.

Tous étaient des vétérans, ne serait-ce que de la Grande Guerre des Sorciers. Certains, d'autres conflits encore. Des conflits plus anciens. Le doyen-sergent avait même participé, dans sa jeunesse, à la Ballade du Baron Fou. Un autre sanglant épisode de l'Histoire de l'Empire Krannien.

" Et bien, ça ! Commença le doyen, d'une voix puissante. J'avais vu beaucoup de choses dans ma vie, mais jamais encore un chevalier de l'Ordre à la table de vieux grigous de sergents, ça non !

- Comme quoi, faut jamais désespérer. Renchérit l'un des jumeaux.

- Jamais ! Affirma l'autre jumeau.

- Que peuvent bien faire de vieux sergents des réguliers de Gervaldburg pour l'Ordre, chevalier ? Demanda plus sérieusement le sergent Fusch."

Cador sonda magiquement chacun d'entre eux. Il ne trouva que des traces de loyauté envers leurs familles, leurs amis et leurs hommes. C'était une bande de vieux guerriers qui ne reculeraient certainement pas face au danger, mais qui prendrait tout de même le temps de réfléchir avant d'agir. Il pouvait sentir en eux les traces à peine perceptible qu'avait laissé les combats sur leurs âmes.

Le doyen avait vu bien trop d'horreur dans sa vie pour se laisser émouvoir d'une quelconque manière désormais, les jumeaux sembaient avoir l'esprit vif et complémentaire. Les sergents Niccos et Fratos étaient des hommes d'honneur, plus prompts à sauver leurs camarades, qu'à mettre leur propre vie à l'abri. Hélosios possédait un regard emplit de sagesse et d tempérance, alors que Fusch était la force de l'esprit personnifiée, s'il fallait en convaincre un, c'était bien lui.

Un coup d'œil à Vellocastus, donnant son assentiment sur la fiabilité de ces soldats, finit de convaincre Cador qu'il pouvait parler librement de ce qu'il pensait et de ce qu'il estimait arriver dans les prochains jours.

Bien qu'il lui faille y mettre les formes, tout de même.

Le chevalier prit quelques secondes pour observer, par-dessus son épaule, les mercenaires à quelques tables d'eux ; les trois hommes ne se cachaient même pas, ils les observaient et écoutaient ce qu'ils disaient. Aussi, afin de couvrir leurs paroles, Cador fit jouer sa magie afin que leur conversation devienne inintelligible en-dehors de ceux qui seraient attablés avec eux. Et ce, sans même ciller.

Satisfait quant à son petit tour, Cador regarda tour-à-tour les hommes autour de lui, une nouvelle fois. Les fixant dans les yeux un bref instant, soutenant leurs regards d'acier et de fureur guerrière. Puis, d'une voix grave, le chevalier annonça :

" Messieurs, je vais être direct : votre baron est un traître et j'ai le sentiment qu'il ne va pas tarder à jeter le gant à la face de l'Empire."

Les sergents avalèrent tant bien que mal la nouvelle. Plus mal que bien, d'ailleurs, tant cela était dur à avaler. C'eut été une autre personne qu'un chevalier de l'Ordre, ils auraient rembarré vite fait l'énergumène leur ayant annoncé une telle chose. Car une telle chose est du domaine de l'impossible.

Pourtant, Vellocastus, venant au secours du chavelaier, leur raconta toutes leurs aventures de ces quatre derniers jours. Aussi, durent-ils se rendre à l'évidence.

" J'ai toujours senti un truc de louche chez ce cézigue là ! Assura, avec force, Niccos.

- Tu parles ! Tu n'es même pas capable de sentir tes propres pieds malodorants, et encore, quand je dis propre, je me comprend. Lança Fratos.

- Hé là ! Je vous arrête tout de suite les deux comiques, intervint aussitôt Vellocastus, le moment est mal venu pour ce genre de débilité dont vous êtes coutumiers.

- Je crois le chevalier. Dit abruptement le doyen. Le baron actuel a toujours été un peu à part du reste de la famille. Et surtout, il n'a jamais eu une bonne réputation au sein de la troupe.

- Pourriez-vous détailler un peu plus ? Demanda Cador, friand de ce genres d'informations. Cela pourrait lui être utile en cas d'enquête plus approfondi de la part de l'Ordre.

- Ho, c'est bien simple : il a toujours eu une préférence pour les mercenaires et n'a jamais hésité à envoyer des régiments complets de réguliers au massacre tout en permettant à ses mercenaires de récolter tous les honneurs. Et tout le butin.

- Sans oublier que les meilleures affectations sont pour les mercenaires. Nous autres, on a plus le droit qu'aux affectations très dangereuses et merdiques à souhait ! Dit Héliosos.

- Arrête, on est bien ici, non ? L'arrêta Fusch.

- Ouais, mais là c'est différent. C'est la tradition qui nous protège. Sans ça, tu peux être certains qu'on serait très certainement postés à la frontière avec ces damnés sauvages de trolls et leurs alliés Korrigans des forêts ! Tu te rappelles Kurt et sa troupe ? Deux cents bonhommes qu'ils étaient ! Et seulement vingt-trois d'entre eux en sont revenus ! Et défaits avec ça !

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant