Chapitre 8, partie 1 : De Noirs Tunnels

135 10 2
                                    



            Après avoir mis au point les derniers détails dans la préparation du voyage qui les attendait, Cador et Vellocastus retournèrent à la chambre où ils avaient dormis. Le temps était vite passé et Lohrâ devait être réveillée maintenant. La journée était maintenant bien avancée, il leur faudrait bientôt s'en aller et poursuivre leur quête.

Alors qu'ils gravissaient les marches et se rapprochaient de la chambre, le chevalier se tourna vers le sergent. Un léger sourire se dessina sur le visage de Cador comme il s'apprêtait à parler.

" Et bien sergent, me narrerez-vous un jour, cette fameuse partie de dés que vous semblez avoir perdu ?

- Je vous prierais, chevalier, de bien vouloir laisser ce ton moqueur et narquois pour le reste de la troupe.

- Quelle troupe ? Serait-ce un si mauvais souvenir que cela ?

- S'il n'était déjà mort, je tuerai ce maudit tricheur de Klaus ! "

Cador éclata de rire.

Vellocastus ne tarda pas à l'imiter, lui aussi, et tous deux partagèrent un fou rire, dont les éclats résonnèrent étrangement dans un donjon où l'on trouvait encore les corps, sans vie, des victimes de Dancionnos.

Les deux guerriers se calmèrent, tout en continuant de se rapprocher de la chambre. Finalement, ils retrouvèrent leur sérieux peu avant d'arriver devant la porte. C'est alors, que des éclats de rires enfantins leur parvinrent aux oreilles. Et, tout en se rapprochant, lesdits éclats devenaient plus forts.

Sans aucun doute possible, ils provenaient de la chambre.

Posant la main sur la poignée, Cador tourna son visage vers Vellocastus et leva un sourcil, interrogateur. Le vieux sergent hocha la tête. D'un coup sec, le chevalier ouvrit la porte à la volée et les deux hommes entrèrent précipitamment dans la pièce, se retrouvant pris dans un épais brouillard de plumes d'oreiller.

Lohrâ et Adiscius se bagarraient gentiment, à coup d'oreillers, et se chassaient mutuellement. Des plumes volaient partout dans la pièce et davantage se rajoutaient lorsque des coups d'oreillers étaient échangés. Les deux enfants semblaient ne pas avoir conscience du monde extérieur et riaient aux éclats. Lohrâ fut la première à voir qu'ils n'étaient plus seuls.

Elle se raidit, encore debout sur le lit. Elle sentit le rouge lui monter au visage et déglutit bruyamment en gardant les yeux fixés sur ceux de Cador. Adiscius ne comprit pas tout de suite pourquoi sa nouvelle copine de jeu venait de subitement s'arrêter, puis il tourna son regard dans la direction des deux hommes et poussa un "ho, ho" qui en disait long.

" Jeune Adiscius, je pense que ton père à besoin de t'avoir à ses côtés, tu devrais le rejoindre. Dit Cador."

Le jeune garçon s'éclipsa aussitôt, non content de sortir de là avant de se faire tirer les oreilles. Lohrâ se sentit bien seule face aux deux guerriers. Elle ne savait pas trop comment elle allait pouvoir s'en sortir.

" Je peux savoir ce que vous trafiquiez tous les deux, demanda Cador ?

- Heu...

- Nous n'allons pas tarder à partir, jeune fille. Continua Cador, le regard sévère verrouillé dans celui de Lohrâ. Je te prierai de te nettoyer et de ranger ce champ de bataille avant notre départ. Est-ce bien compris ?

- Oui, m'sieur le chevalier. Répondit platement Lohrâ."

Pour autant, la jeune fille ne baissa pas les yeux et prise d'un élan de courage et de fierté, elle se mit tout simplement à défier du regard le chevalier Brycham !

Décidément, cette jeune Lohrâ était pleine de surprises. Avec un peu de temps et d'éducation, le chevalier parviendrait à faire d'elle une redoutable combattante. Mais pour le moment, elle n'était qu'une petite fille, orpheline, vivant dans la rue et la misère. Et, pendant un bref instant, son innocence perdue dans la rue réapparut avec Adiscius. Cador ne pouvait pas et ne voulait pas, la punir pour avoir juste vécu le moment présent. Aussi, il se rapprocha d'elle, se saisit d'un des oreillers n'ayant pas trop souffert et se posta à quelques centimètres d'elle.

La jeune fille continuait de soutenir son regard. Elle ne vit pas le coup arriver...

Et elle prit l'oreiller en plein sur le sommet du crâne !

Elle poussa un petit cri de surprise puis se jeta sur Cador et se mit en devoir de le rosser, à son tour, à coup d'oreiller, faisant voler encore plus de plumes.

Vellocastus, resté à l'entrée, se mit à glousser, puis à rire de bon cœur devant ce drôle de spectacle. Il ne vit pas, lui non plus, arriver cet oreiller droit sur lui, lancé par Cador. Le sergent Vellocastus, en bon guerrier qu'il était, décida de ne pas fuir devant l'ennemi et, se saisissant d'un coin de l'oreiller, chargea droit sur ses deux compagnons.

Et, durant une bonne vingtaine de minutes, la pièce fut emplie de tas et de tas de plumes, volant en tout sens, ainsi que des rires de cet étrange trinôme.

Lorsque la Grande Bataille des Oreillers, comme l'appelait déjà Lohrâ, fut finie, sur une victoire incontestable du sergent Vellocastus, les trois compagnons se préparèrent plus sérieusement pour la suite de leur voyage.

Cador rassembla un maximum de nourriture et de divers ustensiles et en chargea trois sacs, un pour chacun, Lohrâ ayant le moins chargé de tous.

Vellocastus partit à la recherche d'armes supplémentaire quelque part dans la Cité d'En-dessous. Il aurait, véritablement, souhaité se trouver à la surface, car il connaissait un très bon forgeron, sis en face du pire poissonnier de la ville, et qui forgeait parmi les meilleurs épées de la province. Hélas, il devrait se contenter de ce qu'il trouvera dans la ville souterraine et il avait peur de ce qu'il pourrait y trouver, en terme de qualité.

Lohrâ, elle, partit se laver dans une salle d'eau, normalement réservée au roi et à son entourage. Cependant, les actes héroïques de la jeune fille, la veille, lui ont permis l'accès à certains privilèges normalement réservés au roi et à ses proches. Ces privilèges lui avaient été accordés par le roi des Petits Rats, en personne.

La jeune fille n'avait plus pris de véritable bain depuis maintenant trois ans, aussi, ce fut avec un réel plaisir qu'elle se trempa et se lava. En sortant du baquet, elle tourna la tête vers l'eau : celle-ci était noire de crasse. Elle en eut un peu honte. Puis, une fois rhabillée, Lohrâ alla nettoyer la chambre qui avait vu cette mémorable bataille d'oreillers.

Avant midi, le petit groupe était fin prêt et ils se retrouvèrent dans le hall du donjon.

U

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant