Chapitre 12, partie 2 : D'Affreux Cauchemars

52 7 0
                                    



            Alors que le sergent s'installait du mieux qu'il le put pour son tour de garde, les autres s'enroulèrent dans leurs couvertures, s'endormant les uns après les autres.

La jeune Lohrâ, terrassée par la fatigue plus que tous les autres, ne résista pas longtemps et s'endormit dès lors que sa tête se posa sur son sac, ce-dernier faisant office d'oreiller de fortune pour le coup.

Sombrant dans un profond sommeil, celui-ci fut tout d'abord sans rêve, puis, au fur et à mesure qu'elle avançait dans son cycle du sommeil, des songes apparurent dans son esprit. D'abord incohérents et improbables, ces premiers rêves laissèrent la place à un autre, plus intense et plus consistant. Dans ce songe, elle courait dans un champ de blé, dont les épis étaient hauts et prêts à être moissonnés. Elle courait en riant, poursuivie par un Adiscius tout aussi souriant et insouciant qu'elle.

Soudain, elle sentit une forte odeur de brûlé. Elle tourna alors la tête pour s'apercevoir que c'était la ville entière qui brûlait. Mais quelle ville ? Elle ne la reconnaissait pas. Où-était-elle ? Lohrâ s'arrêta de courir, cherchant désespérément un quelconque repère qui eut pu l'aider à savoir où se trouvait-elle exactement. Mais elle ne reconnaissait pas son environnement. La jeune fille commença à sentir la panique monter en elle. Au loin, elle vit les flammes commencer à s'attaquer aux épis de blé du champ. Plus le temps de tergiverser, il faut fuir maintenant.

Et, tandis qu'elle entendait les hurlements de terreurs de milliers de voix qui mourraient au loin, la jeune fille se remit à courir, loin des flammes, loin de cette ville maudite où seule la mort régnait.

Elle ne s'interrogea pas plus de savoir qui tuait qui en ville. Pourquoi faire, d'ailleurs ? Pour se faire tuer, elle aussi ? Il en était hors de question, elle voulait seulement vivre et pour cela, il fallait courir le plus loin et le plus vite possible de cette ville mourante.

Et, tandis qu'elle fuyait, elle se fit dépasser par Adiscius qui déboula en sens inverse, courant vers la ville, courant vers les flammes. Le jeune garçon riait, dont seuls les enfants en sont capables, cristallin, pur et innocent.

La jeune fille voulut l'arrêter, tenta de l'appeler alors qu'il disparaissait parmi les épis, mais rien à faire. Le garçon était maintenant loin et ne l'avait pas entendu, ou alors ne voulait pas l'entendre.

Lohrâ se mit donc en devoir de lui courir après, afin de l'arrêter avant qu'il ne se fasse tuer. Elle était sur le point de le rattraper lorsqu'elle glissa sur quelque chose de glissant et poisseux, s'étalant de tout son long au sol.

La jeune fille s'aperçut qu'elle avait glissé sur une flaque de sang et qu'elle pataugeait maintenant dans de la boue imbibée de sang humain. C'était celui des paysans qui avaient été fauché alors qu'ils travaillaient aux champs. Des corps désarticulés, gisant dans des positions ridicules, étaient disséminés de ça et de là. Tous étaient morts. Tous.

Lohrâ se releva en s'appuyant sur ses genoux et regardea ses mains : elles étaient rouge de sang.

La panique s'emparait d'elle à chaque seconde qui passait. Elle ne voyait plus désormais son camarade de jeu et l'incendie dans la ville continuait à gagner en intensité et dévorait maintenant de plus en plus les épis de blé dans le champ.

Si elle ne se sauvait pas, elle allait finir brûlée vive.

Lohrâ courut prestement dans la direction opposé à l'incendie. Il n'y avait plus aucune trace d'Adiscius maintenant. Ni son rire cristallin, ni même la moindre empreinte. Elle ne savait pas où il pouvait bien être et sans doute était-il mort dans les flammes, maintenant. Le fou !

La jeune fille courut. Courut.

Mais le champ ne semblait n'avoir aucune fin. Et les flammes continuaient de gagner du terrain. Bientôt, elle deviendrait une nouvelle victime de ce feu carnassier et avides de proie sans défense.

Glissant sur une nouvelle flaque, elle tomba à nouveau au sol. La boue était rouge. Rouge de sang, ici aussi. Lorsqu'elle se releva, la jeune fille vit que le feu l'avait finalement encerclé, ne lui laissant aucune échappatoire. Les larmes lui coulaient des joues, elle allait mourir ici et maintenant. Lohrâ pria Lugdum de l'épargner et de l'aider à s'en sortir. Elle implora aussi Aterabros, le Père de Tous, celui par qui tout était.

C'est alors qu'Adiscius réapparut.

Elle ne l'avait pas vu venir et ne savait pas comment il pouvait avoir traversé le rideau de flammes. Mais, Lohrâ s'aperçut rapidement que le jeune garçon n'avait nullement traversé les flammes, il était dedans. Le jeune garçon ne semblait pas souffrir de la caresse des flammes sur son corps et continuait de s'approcher de la jeune fille.

Lohrâ perdit son sourire, bien plus vite qu'il n'était apparu. Adiscius l'effrayait maintenant. Un énorme sourire arborait sur son visage. Il semblait parfaitement heureux et inconscient de ce qui l'entourait.

Adiscius s'arrêta à trois mètres de la jeune fille.

C'est alors que Lohrâ vit l'énorme blessure cisaillant la gorge du jeune garçon. Un fin filet de sang en dégoulinait. Pourtant il ne semblait guère s'en préoccuper, ni même en souffrir.

Terrifiée, Lohrâ ne parvenait à soustraire son regard du garçon, car, malgré son sourire, il y avait dans ses yeux une lueur maléfique.

" Tu veux encore jouer avec moi ? Demanda finalement le garçon, après un long moment de silence.

- T... Tu es b... Blessé... Bégaya Lohrâ.

- Hein ? Ho ça ? Fit Adiscius en tâtant sa gorge. Ce n'est rien d'autre que la liberté.

- Il faut qu'on te soigne.

- Tu veux jouer avec moi ?

- Adiscius, il faut que quelqu'un te soigne ou tu vas mourir ! "

Lohrâ paniquait de plus en plus, car, alors qu'ils parlaient, le cercle de feu se resserra toujours plus sur eux, menaçant de les brûler vifs, tous les deux. Tournant la tête de gauche et de droite, elle ne voyait aucun moyen de sortir de ce piège infernal.

i

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant