Chapitre 15, partie 3 : Un drôle de bain

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            " Tu sais que j'ai raison, n'est-ce pas ? Tu le sens au fond de toi."

Lohrâ hocha la tête, totalement perdue dans ses pensées.

" Alors, dis-moi, ce bain, t'a-t-il fait du bien ?

- Oui.

- Ces nouveaux vêtements, te siéent ils mieux ?

- Oui.

- Alors, pourquoi t'es tu autant débattue et as-tu fait une telle comédie, au point que tous purent t'entendre dans tout le château ?"

La jeune fille fut aussitôt en alerte. Quelque chose dans le ton de la comtesse venait de changer. Quelque chose qui ne lui plaisait nullement. Lohrâ sentit comme un piège qui n'attendait qu'elle pour se refermer et l'engloutir. Elle baissa la tête, comme soumise, toutefois, c'était surtout la peur qui la faisait agir ainsi.

Il y avait véritablement une aura maléfique autour de cette comtesse. Sa voix suave. Ses belles manières. Sa beauté cachant quelque chose. Non, quelque chose clochait.

" Mais peut être est-ce parce qu'une de ces demoiselles ne s'est pas montrée à la hauteur de la tâche et n'a pas eu les égards qui t'étaient dû, interrogea la comtesse, tournant son regard vers les servantes rassemblées et totalement apeurées."

Les pauvres femmes, déjà bien laides, l'étaient encore plus tant la peur leur défigurait les traits. Toutes avaient le regard baissé vers leurs chaussures. Pas une n'émit le moindre son, ni la moindre parole. Lohrâ crut même apercevoir des perles de sueur goutter de leurs visages.

La jeune fille se demanda comment la comtesse s'y prenait pour leur inspirer autant de crainte ? Etait-ce grâce à la torture ? Le fouet ? Autre chose encore ? Quelque chose de bien pire ?

" Alors ? Mesdemoiselles ? N'auriez-vous pas été à la hauteur de la tâche que je vous confia ?"

Un silence de mort régna. Personne, à part la comtesse, n'osait ouvrir la bouche.

" Vot'seigneurie ! Intervint d'une petite voix Lohrâ. Elles n'y sont pour rien, c'est juste moi qui les ai mordu et pincé ! Elles ont été très gentilles avec moi ! C'est juste que j'aime pas les bains !

- Allons, allons, mon enfant. Ce ne sont que des servantes. Lui rétorqua la comtesse. D'ordinaire, elles ne devraient pas même te toucher. Et cela ne peut être que l'une d'elle qui a pu fauter."

La jeune fille ne comprenait pas où voulait en venir la belle comtesse. Elle semblait chercher la moindre faute, fut-elle imaginaire, pour punir les pauvres servantes. Mais elles étaient parfaitement innocentes...

" Inutile de vous préciser que vous m'avez extrêmement déçue. La première punition n'a pas été assez semble-t'il, il va donc falloir que je sévisse à nouveau."

Une des servantes, plus courageuse que ses consœurs, bredouilla quelque chose d'inintelligible.

Un silence de mort s'installa dans la pièce, tous les regards tournés vers celle qui venait de parler.

" Oui, Sanya ? Aurais-tu quelque chose à dire ?

- Votre altesse, répondit d'une faible voix la servante, nous avons exécuté vos ordres à la lettre et n'avons pas fait le moindre mal à cette jeune enfant. Nous ne lui avons pas adressé la parole, comme vous nous l'avez ordonné. Nous nous sommes tenu à l'écart de sa personne, toujours selon vos ordres. Aucune faute n'a été faite."

- Alors, dis-moi, pourquoi a-t'elle hurlé ainsi ? Plusieurs de mes invités sont venus me voir pour se plaindre. Et ceci est une faute !

- Elle ne désirait pas être séparée de ses compagnons, votre altesse.

- Elle ne voulait pas être séparée de ses compagnons ?"

Lohrâ sentit une certaine tension dans la voix de la comtesse.

Cette-dernière s'approcha de la pauvre Sanya, la servante ne sachant plus où se mettre et rouge de honte, ou bien était-elle blanche de peur ? Lohrâ ne sut le dire avec exactitude. Ce dont elle fut certaine, par contre, c'est de toute la noirceur qui enveloppait la comtesse, tel un suaire.

Le silence se fit plus pesant encore.

La comtesse riva ses yeux sur la forme prostrée de Sanya. Elle se mit soudainement à ricaner. Ce faisant, un vent de panique souffla sur toutes les servantes qui eurent un mouvement de recul, comme face à une tempête. Puis, une terreur s'empara d'elles, comme la comtesse leva un doigt accusateur sur la pauvre Sanya.

" Autrefois, tu étais belle, Sanya. Je crois même que plusieurs chevaliers te faisaient la cours, malgré tes modestes origines. Quel bel avenir te semblait promis alors. N'est-ce pas, ma pauvre ?"

Lohrâ, qui ne perdait pas une miette de ce que disait la comtesse, ne comprit pas comment Sanya put un jour être belle ? Elle avait un nez immense et un énorme poireau tout noir, avec d'affreux poils, s'était logé au-dessus de sa narine droite. Ses cheveux étaient des plus gras et tout cassés. Elle possédait des mains calleuses et disproportionnées, son tour de taille devait rivaliser avec celui d'un troll des forêts du Sud de l'Empire. Non, la jeune fille ne voyait pas comment Sanya eut pu être belle, un jour dans sa vie.

" Tellement belle. Reprit la comtesse. Dommage pour toi que je dû intervenir et changer tout cela. Malheureusement, te rendre hideuse n'a pas suffit. Il va falloir que je sévisse une bonne fois pour toute, on dirait."

Sanya releva la tête, une intense expression de terreur sourde dans le regard. Elle voulut crier, mais ce qu'il se passa la stoppa net.

Le doigt accusateur de la comtesse s'était pointé dans la direction de Sanya et un fin rai de lumière violacée s'envola vers la servante. Celle-ci s'éleva dans les airs de quelques centimètres. La pauvre femme ne put faire aucun geste pour se débattre ou se défendre. Elle plana là quelques instants, avant que la comtesse ne se tourna vers Lohrâ, un fin sourire aux lèvres.

" C'est ainsi qu'il faut s'occuper du petit personnel, petite princesse. Sinon, tu as tôt fait de te retrouver dépassée par les évènements et aucun d'entre eux ne te montrera le respect qui t'est dû. Ce qui me fait penser..."

La comtesse tourna son regard vers la jeune servante qui l'accompagnait lorsqu'elle était arrivée. Celle-ci était terrorisée, les yeux rivées sur Sanya, avant de réaliser que sa maîtresse l'observait.

" Tu me sembles encore bien belle Cassiopius. Il va falloir remédier à cela. Que dirais-tu d'avoir quelques furoncles de plus ?"

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant