Chapitre 18, partie 3 : Trahison

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            Cador acquiesça face à tant de bon sens. Ils reprirent donc leur chemin. Celui-ci les mena dans la cour principale du château.

Celle-ci était jonchée des corps de soldats tués au combat. Tant régulier que mercenaire. Toutefois, la bataille semblait s'être déplacée plus loin dans le château car nul ne combattait plus dans la cour. Hélas, une importante chape de fumée cachait la vue à Cador depuis l'entrebâillement da la porte contre laquelle il se tenait.

Décidant de ne pas attendre plus longtemps, quitte à prendre plus de risque que nécessaire, le chevalier poussa la porte entrebâillé, pénétrant dans la cour. Suivit de l'ancien voltigeur, ce fut un spectacle des plus macabres qui les y attendait.

Si l'épaisse fumée n'avait permis à Cador de n'apercevoir que quelques corps sans vie, lorsque celle-ci fut laissée derrière eux, ils prirent alors toute la mesure du carnage qui s'était déroulé à cet endroit du château.

Plus d'une centaine de corps gisaient, ça et là, certains démembrés, incomplets, parfois dans des positions ridicules, ou bien incongrues. Dans une petite partie de la cour, un petit monticule de corps s'était créé naturellement, tant les hommes s'était battus à cet endroit et y étaient morts, s'entassant les uns sur les autres.

De petits feux brûlaient timidement, de manière éparse. Ce sont ces foyers qui, mis tous ensemble, généraient cette lugubre fumée, donnant un air de fin du monde à la scène.

Il régnait dans cette cour un silence de mort. Une mort de masse.

Balayant la place du regard, le chevalier aperçut une couleuvrine. Canon de trois mètres de long et d'un petit calibre. Idéal pour les campagnes militaires rapides, en territoire ennemi, apportant une bonne puissance de feu en soutien. Le fût du canon était coulé en bronze. Les armoiries de la famille Von Hilden y étaient finement ciselées et gravées. Le tout, tenait sur un affût en bois de chêne. Un bois des plus solide, à même de résister à la puissance du recul du canon, lors d'un usage répété.

Aux pieds de la machine de guerre, à côté de caisses en bois contenant des boulets de fer, gisaient les servants, morts. Les artilleurs semblaient avoir été tués en défendant âprement leur machine, car, réduits en une sorte de bouillis méconnaissable et sanguinolente, des corps brisés de mercenaires étaient répandus en face de ladite pièce d'artillerie.

Par curiosité, Cador jeta un coup d'œil à l'intérieur du fût de la pièce. Celle-ci était vide. Les artilleurs devaient, probablement, l'avoir vidé lors d'un ultime tir, avant de succomber devant le nombre de leurs ennemis.

Finalement, les deux hommes dépassèrent la couleuvrine, témoin, désormais silencieux du massacre. Le chevalier et l'ancien voltigeur se dirigèrent, d'un pas rapide, vers une lourde porte en bois, derrière le canon. C'était l'entrée de la tour, au sommet de laquelle, se trouvait la cloche d'alarme du château.

Posant la main sur le battant, Cherche-chemin s'aperçut alors que la porte était fermée et verrouillée. L'ancien voltigeur pesta bruyamment.

" Il y a-t-il un autre accès ? Demanda Cador comme il s'approchait de Cherche-chemin.

- Hélas non, chevalier. C'est le seul chemin menant au clocher.

- Il va nous falloir ouvrir cette porte d'une autre manière, alors."

Cador s'approcha de la porte. Récupérant, au passage, une immense hache de guerre, finement décorée, des mains mortes du cadavre d'un des mercenaires de la Compagnie Blanche, le chevalier se mit en devoir de défoncer ladite porte récalcitrante.

Les coups que fit pleuvoir Cador sur la porte, résonnèrent dans la cour avec une telle force, que Cherche-chemin se convainquit que l'on pouvait les entendre de l'autre bout de la ville; Ce qui ne manquerait, sûrement pas, de leur amener tout un lot d'ennuis.

L'ancien voltigeur ouvrait l'œil, guettant le moindre signe qui annoncerait l'arrivée d'ennemis. S'il ne doutait pas un instant, que les coups que portait Cador à l'encontre de la porte, ne finissent par ameuter du monde, l'ancien voltigeur priait en son for intérieur, que ce fut une troupe d'alliés qui arriverait en première. Si jamais, il venait quelques mercenaires, ils seraient dans de beaux draps, exposés comme ils l'étaient.

Jetant un bref coup d'œil derrière lui, Cherche-chemin pu alors voir que les efforts du chevaliers, furent vains. Cette porte avait été construite afin d'être solide et ne pas flancher devant la première hache venue.

Balayant à nouveau la cour du regard, Cherche-chemin s'attarda sur la couleuvrine. Ses pensées vides. Cela faisait tellement longtemps qu'il ne s'était pas retrouvé au beau milieu d'une bataille rangée. L'ancien voltigeur avait peur. Cette même peur qui l'avait étreint, alors qu'il n'était qu'un jeune bleu, fraîchement sorti des jupons de sa mère.

Puis, soufflant par le ventre, tel que le lui avait appris son sergent instructeur, il y a des décennies de cela, Cherche-chemin retrouva son calme. Ses yeux, toujours fixés sur la couleuvrine, finirent par envoyé, comme un signal à son cerveau, accélérant le processus de sortie de sa léthargie. Puis, devant ce canon immobile, une idée, très folle, germa dans l'esprit de l'ancien voltigeur.

Il se tourna vers le chevalier.

" Chevalier ?

- Han ! ( Nouveau coup de hache rageur) Oui ? Qu'il y a-t-il Cherche-chemin ? Souffla Cador.

- Savez-vous mettre en œuvre une machine comme celle-ci ?"

Le chevalier, au visage rouge de par ses efforts physiques, se retourna vers Cherche-chemin, voyant qu'il lui pointait quelque chose du doigt, son regard suivit cette direction. Le regard du chevalier tomba directement sur la couleuvrine. Cador comprit, aussitôt, l'idée de Cherche-chemin.

" Et bien, commença Cador. On m'a bien, déjà expliqué comment cela fonctionne, mais je suis loin d'être un expert en la matière.

- Pensez-vous que cela soit suffisant pour ouvrir cette damnée porte ?

- Ho, je pense que oui... Mais, ça risque d'être un peu juste, tout de même. Répondit Cador avec un grand sourire."

Les deux hommes se rapprochèrent de la machine de guerre.

Cador réfléchit quelques instant, cherchant dans ses souvenirs de jeune écuyer, du temps de sa formation pour devenir chevalier, puis, il finit par se saisir d'un des tonnelets de poudre. Il ouvrit le tonnelet et versa un peu de poudre dans le tube. Ramassant un très grand bâton terminé par une espèce de chiffon fixé à la hampe, Cador bourra la poudre comme dans ses souvenirs.

Ceci fait, il expliqua à Cherche-chemin :

" Quelques années avant la Grande Guerre des Sorciers, j'avais participé à la présentation des nouvelles armes de l'université d'ingénierie impériale, au palais de l'empereur. On y avait présenté une telle arme, ainsi que son fonctionnement. A l'époque, je n'étais qu'écuyer de sire Wulfann.

- Du coup, savez-vous l'utiliser correctement ?

- Je me souviens surtout que si l'on mettait trop de poudre, le bestiau vous sautait à la figure. Tandis que, pas assez de poudre et votre boulet de fer ne partait pas.

- Ha !

- Nous allons faire un essai. Aidez-moi à tourner cette chose vers la porte !"

Les deux hommes tournèrent la machine vers la porte, qui les narguait depuis quelques instants déjà. Le chevalier récupéra un des boulets de fer et le fit glisser le long du tube. Par Lugdum, ce qu'il était lourd !

Intimant à Cherche-chemin de s'écarter, le chevalier mit, littéralement, le feu aux poudre via la lumière du canon. Un gros "braoum" rugit dans la cour. La poudre explosa. Mais, le souffle libéré par l'explosion ne fut pas suffisant. Et, ce fut un boulet qui, timidement, roula hors du fût, avant de tomber et de rouler à terre.

L'Epée de Justice, livre I : Lohrâ  -Récit terminé -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant